Une haie d’honneur composée de toques blanches, émues jusqu’aux larmes. Elle est placée à la sortie de l’église Saint-Pierre afin de rendre un dernier hommage à l’un des leurs, le regretté chef auxerrois, Jean-Pierre SAUNIER, survenu il y a quelques jours dans sa 73ème année, des suites d’une longue maladie. Un temps de silence, pesant. Puis, une salve d’applaudissements nourrie durant de longues minutes avant que le cercueil ne pénètre sous le regard attristé de tous les amis dans le véhicule mortuaire. Ainsi nous quitte cet amoureux de la vie, éternel épicurien jusque dans l’au-delà…
AUXERRE : Il y a foule en la très froide église Saint-Pierre. Les amis de toujours et ceux qui depuis 55 ans ont su apprécier à sa juste valeur la cuisine mitonnée aux petits oignons et toujours emplie de créativité par le défunt ; les figures emblématiques de la filière gastronomique icaunaise – on reconnaît Jean-Michel LORAIN, Jean-Luc BARNABET ou encore Eric GALLET parmi toutes les toques blanches présentes en nombre ce mercredi matin -, les fidèles d’entre les fidèles, c’est-à-dire les clients qui se sont régalés de ces recettes de terroir conçues au cordeau – ah, les fameux œufs en meurette ! -, au fil des multiples expériences de vie professionnelle du regretté personnage dont on honore la mémoire ce jour avec ses obsèques : Jean-Pierre SAUNIER.
Ah, les belles soirées avec « Gourmand’Yonne »
Quelques personnalités politiques du cru bravent les températures glaciales de ce petit matin blême comme peuvent l’être les cœurs si lourds de tristesse des participants à cette cérémonie religieuse. C’est le cas de Pascal HENRIAT, éternelle casquette de sport rivée sur la tête ou encore de Jean-Philippe BAILLY. Et puis, il y a les copains avec qui il partageait énormément de choses et de passions, pour certaines épicuriennes, à l’instar de notre chroniqueur gastronomique, Gauthier PAJONA, dont l’optimisme habituel est en berne en ce jour funeste.
Ah quelle était belle cette soirée festive où Jean-Pierre SAUNIER, en avril 2023, avait été plébiscité par ses pairs lors d’une réception concoctée par la structure associative « Gourmand’Yonne » et présidée par Jérôme JOUBERT, le chef du « Rive Gauche » à Joigny dont il était un digne représentant !
Pauvre Gauthier ! Muni d’un cabas pour faire les courses contenant un texte, une bouteille de vin rouge et un tablier, il n’aura pu dire au revoir comme il se devait à ce compagnon de table et d’amitié selon son propre rituel. Un texte ayant nécessité six heures de préparation et de rédaction en puisant dans sa collection de vieux guides Michelin où l’ami Gauthier aurait avec sa verve et son élégance habituelle rendu un hommage à sa façon qui aurait fait rire…Jean-Pierre ! Las, lors de la cérémonie, il a été « oublié » pour prononcer sa petite allocution à la tribune. Désarroi total de notre camarade épistolaire ! Ne t’en fais pas, Gauthier, de là-haut, Jean-Pierre SAUNIER a dû lire ton message d’adieu…il en rigole encore !
Un art culinaire apprécié de tous les Auxerrois
En guise de préambule, lors de cette cérémonie, une voix. Celle grave de Serge LAMA, interprétant l’un de ses titres datant de 1972, « Une île ». Le son envahit l’édifice de toute part, la foule recueillie écoute les paroles.
« Une île, entre le ciel et l’eau. Une île sans hommes ni bateaux. Inculte, un peu comme une insulte. Sauvage, sans espoir de voyage. Une île, une île… ».
Puis, les quelques mots de Claire, l’une des deux filles de Jean-Pierre avec Eve. La voix pleine de sanglots, elle prend son courage à deux mains pour parler : « tu as été le premier homme de ma vie, tu as toujours tout fais pour rester le plus grand. Tu vas rejoindre maman, car tu n’as jamais supporté son absence. Au revoir, papa, je t’aime… ».
Déchirant. C’est ensuite au tour de Patrick TUPHE, ancien adjoint de la Ville d’Auxerre du temps de Guy FEREZ, et président du FPETT, Fonds professionnel pour l’emploi dans le travail temporaire, de s’exprimer d’une voix forte. Il racontera les tranches de vie de Jean-Pierre SAUNIER depuis son arrivée à Auxerre.
« Son art culinaire était apprécié des Auxerrois car Jean-Pierre avait en lui cette rigueur et ce professionnalisme. Beaucoup de clubs d’amitié se sont réunis chez lui. Que ce soit au « Maxime » ou au « Rendez-Vous ». Ce restaurant eut valeur de renaissance pour lui et pour sa fille, Claire… Jean-Pierre a aimé sa vie, je crois. Comme je crois qu’il nous a quittés avec la volonté de le faire. Adieu mon ami, adieu notre ami… ».
Animé d’une belle espérance, généreux et garçon discret, aimant l’existence à pleine dent, Jean-Pierre SAUNIER venait fréquemment allumer un cierge dans la pénombre de la cathédrale Saint-Etienne ou à l’église Saint-Pierre, située à deux pas de son établissement qui régala tant de convives.
Ce chef charismatique au grand cœur nous aura proposés moult rendez-vous avec l’humain et les plaisirs de la gastronomie.
« Un être de lumière à la belle personnalité, comme le soulignera dans son homélie, le Père Joël RIGNAULT, il savait conjuguer la parole et la discrétion… ».
Un chef qui venait discrètement ouvrir et fermer l’église Saint-Pierre. Entre parole et silence, mais toujours dans le respect de l’autre. Jean-Pierre : tu nous manques déjà et nous n’oublierons jamais le moindre de tes « Rendez-vous » épicuriens, faits de profonde amitié…
Thierry BRET
Il fut un quart de siècle durant à la télévision, l'incarnation des charmes du terroir français, au travers de trois émissions successives : « Grands Gourmands, » « Carte postale gourmande » et pour terminer par les « Escapades de PETITRENAUD ». Il fut aussi présent à la radio et dans la presse écrite avec cette belle plume que beaucoup de suiveurs affectionnaient...
TRIBUNE : Jean-Luc est parti vendredi dernier, rejoindre ses parents, sa chère grand-mère, Louise, mais aussi les chefs qu'il affectionnait tant dont Paul BOCUSE et Bernard LOISEAU. Il était mon ami.
Je le connus en 1993, grâce à son premier livre « Le Guide du casse-croûte » que m'offrit mon frère, Eric, pour mon anniversaire. On s'y pourléchait les babines du cochon rôti de « L'Auberge Paysanne » à Ally (Haute-Loire), des « piquillos » à la morue de la « Grande brasserie » bayonnaise, le poulet au cidre de la ferme des Chartroux à Etaples (Pas-de-Calais) pour terminer par de fameux œufs en meurette au restaurant des « Minimes » de Semur-en-Auxois (Côte d'Or).
Cela m'intrigua diablement. Je lui écrivis à Europe 1 où il officiait alors, et c'est ainsi que nous fîmes connaissance, sur le zinc bistrotier, autour d'un « p'tit » coup de blanc, Jean-Luc appréciant notamment les blancs sancerrois ! Nous aimions la même France. Cela nous rapprocha !
De nombreux déplacements en terre de l’Yonne
Avec Jean Luc, j'ai participé à nombre d'émissions tv ou radio, ou en lui en préparant d'autres, suite à des repérages (souvent lors de ballades à moto), comme « L'Auberge du Pas de Vent » dans les Landes, tenue avec passion par le chef Fred DUBERN et son épouse, Sophie. Et tant d'autres aussi, comme Eric BOUTTE, ancien de « La Côte Saint-Jacques » de Joigny, lorsqu'avec son épouse, ils retrouvèrent leur Somme natale. Leur chou farci d'anthologie fut vite connu de par le monde, grâce à TV5 !
Sur mon insistance, il vint souvent dans l'Yonne, tourner des émissions, comme en 2015 au « Rendez-Vous » de la rue du Pont à Auxerre chez Jean-Pierre SAUNIER qui lui aussi vient de nous quitter. Décidément...
Nous nous retrouvions souvent le vendredi en fin de matinée, au café « Mode » proche d'Europe 1 à l'époque. Cela commençait souvent par une petite imitation : la mienne, celle d'un cuisinier ou autre, déclenchant en général l'hilarité ! Puis, nous déjeunions au « Violon d'Ingres » du truculent Christian CONSTANT, son grand ami cuisinier : feuilleté d'asperges, volaille rôtie, gratin de macaronis y étaient souvent notre menu printanier.
Livraison de succulents mets à…l’hôpital !
Avec ce bel ami qui marqua nos vies, dont la mienne, nous avons partagé outre les « canons » de blanc, de multiples fous rires. En 2007, j'eus un accident de moto, et fus hospitalisé à l'hôpital de Vichy. Las ! Le premier plateau « repas » et son assiette de haricots verts ruisselants de flotte me firent rapidement comprendre qu'en plus du coude et côtes cassés, j'allais mourir de faim !
J'appelais alors mon Jean-Luc pour une sorte de SMS gourmand. Et le soir même, je vis arriver deux cuisiniers, Jean-Jacques et Pierre-Yves, qui chaque jour, m'apportaient chacun à leur tour un bon repas revigorant. Je me souviens notamment d'une chartreuse de jambon d'Auvergne aux lentilles du Puy. Ces amis délicats n'oublièrent jamais les infirmières, avec petits fours ou autres ! Dix-huit ans après, ce souvenir ému demeure vivace en moi…
« Elle n’est pas belle la vie dans l’Yonne ?! »
Beaucoup de cuisinières et de cuisiniers peuvent légitimement le remercier aujourd'hui. Il en fit des rubriques pour soutenir des professionnels parfois installés dans des endroits improbables ! Nous fûmes les premiers à évoquer un jeune couple installé en Vendée. Leur table qualitative était référencée au Michelin avec un « bib » gourmand. Ce couple, c'est Alexandre et Céline COUILLON, triplement étoilé désormais. En 2007, Céline était émue en studio de voir son mari interviewer par Jean-Luc ! C'est un vrai beau souvenir que ce grand cuisinier me rappela, lors d'un SMS, consécutif à cette triste nouvelle.
Mais, avant d'en arriver là, Jean-Luc PETITRENAUD obtint un CAP de chaudronnier. Puis, il fut éducateur dans un centre pour enfants, et s’essaya au théâtre, avant de commencer sur les ondes de Radio France Auvergne dans les années 80.
Le temps passa depuis son départ de la télévision en 2017 et la fin de cette émission emblématique et sincère désireuse de mettre en valeur savoir-faire et terroir de France : ses « Escapades ». Nous étions toujours en contact. En 2019, il fut d'ailleurs l'un des invités d'honneur de la fameuse foire de Sens.
Comme le disait souvent l'ami Jean-Luc en guise de conclusion d'émission : « je vous aime et tenez-vous fort ! ».
Au revoir, mon Jean-Luc. Une chose est sûre : nous ne sommes pas prêts de t'oublier et terminerons ces quelques lignes par une autre de tes maximes : « alors, elle n’est pas belle la vie......dans l'Yonne ?! ».
Gauthier PAJONA
L’antériorité de l’établissement ne date que de quelques mois, à peine. Le temps du rodage, certes, mais on sent déjà la passion à fleur de peau et la volonté de bien faire qui anime l’hôtesse de ce lieu si pittoresque qu’il est bon de découvrir. Tout sourire et très accueillante, Aude VACANT sait recevoir : c’est incontestable dans son auberge baptisée, « La Maison Roger ». Une douzaine de couverts, seulement, un cadre cosy qui berce dans le rustique, et une cuisine agréable en bouche comme en témoignent les plats du jour, une succulente soupe de potimarron et un mets typique de notre contrée, le bœuf bourguignon…
COULANGES -LA-VINEUSE : Sur un tableau noir, posé à même le sol et coloré d’une écriture à la craie à la gamme chromatique différente, on peut lire quelques suggestions de plats qui donnent déjà l’eau à la bouche, sitôt pénétré dans le petit établissement au charme coquet. Blinis maison, canard confit accompagné de ses haricots blancs et bûche rose au chocolat. Le tout est proposé pour la modique somme de…15 euros !
Mais, aujourd’hui, ce n’est pas cette alléchante préconisation culinaire qui sera servie aux convives honorant ce lieu, identifié sous l’appellation de « La Maison Roger ». Une signalétique mémorielle en l’honneur de l’un des grands-parents de la propriétaire du site, Aude VACANT. Normal, ici, c’était l’habitation familiale où la jeune femme, d’une amabilité exquise, venait se rassénérer auprès des siens, jadis. Elle qui exerça longtemps le métier de…préparatrice en pharmacie et qui a décidé un jour qui ne ressemblait pas au précédent de remiser ses connaissances en pharmacopée aux calendes grecques pour s’inventer une nouvelle vie, plus humble et plus enthousiasmante, derrière les fourneaux, passionnée de cuisine qu’elle était.
Vêtue de son petit tablier de parfaite cuisinière, la jeune femme ne cesse de remuer, assurant seule, la bonne gestion de ce nouveau commerce dans le village vineux, une auberge aux doux effluves d’autrefois. Côté accueil, atmosphère et succulence dans l’assiette.
Soupe chaude et plat typique du terroir
Un petit verre de vin chaud, afin de remettre le palais en phase avec l’agréable température ambiante du site alors qu’au dehors, il fait un froid à ne pas mettre un journaliste en balade, et voilà que le lien se crée. « La Maison Roger » ? Honnêtement, on ne connaissait pas son existence ; et c’était un tort. De l’extérieur, hormis une pancarte placée à hauteur d’yeux mais relativement discrète et un petit affichage placardé sur l’un des murs de l’édifice, on pourrait presque passer son chemin tout en ignorant que ce havre de tranquillité existe ; alors qu’il est impératif d’y faire une halte.
D’ailleurs, les premiers commentaires qui fleurissent sur les réseaux sociaux sont formels : « accueil chaleureux et agréable, plats bien mijotés et particulièrement savoureux, cuisine simple et généreuse », etc.
L’assiette à soupe reçoit quelques minutes plus tard un chaud liquide, savoureux en bouche et fort agréable au niveau de la texture, avec des morceaux de potimarron, un potage maison, en mode velouté. Avec un peu de persil par-dessus, c’est excellent et cela réchauffe le palais. Dommage que la soupière ne reste pas sur la table, on en aurait presque repris une seconde assiette !
Mais, très vite, Aude revient vers la table avec une grosse cocotte. Celle où a mijoté durant plusieurs heures sans doute un copieux bœuf bourguignon, agrémenté d’une multitude légumes typiques du jardin : carottes, pommes de terre, navet, et même, particularisme étonnant, la présence de radis noir !
Une pause obligatoire pour renouer avec l’esprit d’antan !
Une vraie recette de grand-mère que nous propose là la jeune femme, dont le sourire ne s’efface pas de son visage et qui, on le sent bien, est une perfectionniste dans l’âme et dans la qualité de l’accueil. Soucieuse du moindre détail sur la table. Certaines (elles sont peu nombreuses), sont encore décorées des éléments de Noël. A l’autre extrémité de la salle, une grande tablée offre un moment privilégié pour des agapes réconfortantes après sans doute une matinée passée dans les bois aux représentants de l’ONF (Office National des Forêts) du cru qui sont satisfaits également des recettes du jour !
Une belle part de tarte aux pommes maison, servie avec de la crème chantilly en bombe – de cela, on aurait pu s’en passer sauf pour les inconditionnels ! -, ponctuera le repas de manière fruitée et sucrée. Tout ceci ayant été arrosé fort logiquement par le vin du terroir : le coulanges, dont on ne présente plus la subtilité en matière de goût. En sus, le thé au jasmin bien chaud, servi à la théière par l’hôtesse des lieux et hop, on ne peut que recommander la pause obligatoire dans cette petite auberge qui mérite amplement le détour, si ce n’est de programmer la réservation pour découvrir un nouveau talent dans le paysage culinaire de l’Yonne.
Pour une addition à 17,50 euros, on ne va pas bouder son plaisir d’y retourner une autre fois, ne serait-ce pour se sustenter de l’une des spécialités de la patronne de l’établissement, son chou rouge aux lardons cuit au vin ! Déjà un régal juste à l’évocation !
En savoir plus :
Auberge La Maison Roger
Restauration traditionnelle sur place ou à emporter
Ambiance familiale
Salon de thé
Ouverture du mardi au vendredi de 12h à 14h30,
Possibilités à la demande et sur réservation le soir
26 Rue André Vildieu à Coulanges-sur-Yonne.
Thierry BRET
Triste nouvelle que celle-ci. Elle ouvre l’actualité de cette première vraie semaine de 2025. Le décès du cuisinier, Jean-Pierre SAUNIER. Il fut une sorte de « parrain de la cuisine auxerroise », quarante années durant. L'ami Jean-Pierre s'en est donc allé ce dimanche, avec élégance et discrétion. Il était veuf et père aimant de Claire et Eve, ses deux filles…
AUXERRE : Cet homme attachant et bourguignon dans l'âme naquit à Chaudenay en 1951, paisible village de Saône-et-Loire. Une maman, mère au foyer et plutôt bonne cuisinière avec ses quatre fistons (le civet de lapin ainsi que le gras-double à la lyonnaise qui deviendra bien plus tard une sorte de « madeleine de Proust » de notre cuisinier). Roland, le papa, est routier. Il appréhende l'hiver la fameuse côte de Sombernon, en Côte d’Or. Lorsqu'il emmène Jean-Pierre avec lui, le gamin est ravi se souvenant des haltes-déjeuner dans un restaurant routier.
L'école, ce n'était pas trop son truc à Jean-Pierre. Même avec son institutrice bien-aimée, Mme GARNAULT. Alors un lundi de 1965, sa maman l'emmène chercher un apprentissage à Chagny, la bourgade voisine. Il voulait être coiffeur ou cuisinier, mais en ce lundi, seul l'hôtel-restaurant « Lameloise », étoilé Michelin à l'époque, est ouvert.
La rencontre avec Jean LAMELOISE à Chagny !
Va pour cuisinier sous la férule du chef Jean LAMELOISE et de sa gentille épouse, Simone. La jeune « arpette » garda toute sa carrière en mémoire les plats type de son apprentissage (terrine « Lameloise » aux foies de volaille, truite à l'aligoté beurre échalote, coquelet en pâte sauce Janick...).
Une fois, son cap en poche, notre jeune mitron voyage : « le Royal » à Evian où il fut rôtisseur. Puis, c’est l'est de la France où il rencontra Marie-Paule, sa future épouse. Ils partirent ensuite sur la Côte d'Azur.
Jean-Pierre SAUNIER œuvre dans un palace monégasque. Il aime ce climat, les tomates ensoleillées, le romarin qui l'accompagnera culinairement toute sa carrière ainsi que l'huile d'olive. Mais la jeune maman de Claire ne se plaît guère dans cette contrée, dans laquelle « JP » se serait bien vu faire carrière. Retour en Saône-et-Loire, où ils reprennent « L'Auberge bressanne » à Serley. Forcément après les fastes d'un palace, le coq au vin du banquet des soldats du feu locaux fut quelque peu dépaysant !
A cette époque le grossiste en alcool offrait une caisse de six bouteilles pour tout achat de rhum « Négrita », une autre époque assurément !
La reprise du « Maxime » : le summum de sa carrière…
Un jour de semaine, au hasard d'une promenade en auto, le long de la RN6, la famille débarque en 1978 à Auxerre, en cette année d'élections législatives, où par affiches interposées, l'édile local affirme que « la majorité aura la majorité ». Cet homme politique, c'est Jean-Pierre SOISSON. Même prénom, mêmes initiales et le début d'une longue et fidèle amitié. C'est une rue du pont des plus commerçantes qui accueille « La Marmite », premier restaurant de la famille SAUNIER, là où est installée « L'Aspérule », désormais.
Cela marcha de suite se rappelait l'ami Jean-Pierre, adepte d'une cuisine classique bien troussée avec sa marmite d'escargots et sa pièce de bœuf sauce béarnaise qui furent notamment deux de ses piliers gourmands.
Quelques années plus tard, au milieu des années 80, c'est la reprise du « Maxime », sur les quais de l’Yonne. Sûrement sa plus grande époque culinaire, que j'eus grandement aimé connaître d'ailleurs ! Vivier et rôtisserie y sont au programme et l'on pouvait s'y délecter d'un homard patte bleue rôti à la seconde près. Quant à la sauce, le jus de cuisson tombant dans le « lèchefrite » était récupéré, puis monté au beurre, agrémenté d'échalotes. Pour accompagner ce mets délicat, il fallait bien un joli flacon bourguignon dont Jean-Pierre était friand ! C'est aussi la grande époque de l’AJA et de ses matchs européens, suivis de quelques agapes pour lesquelles notre chef était aux commandes.
Le « Rendez-Vous », une ode conviviale et gourmande…
Une fois « Le Maxime » vendu à l'aube du nouveau siècle, on retrouve Jean-Pierre et Claire SAUNIER, Rue du Pont, pour l'histoire du « Rendez-Vous », la taverne bourguignonne, ode culinaire et conviviale. C'est là que je le connus, lorsque j'étais le chroniqueur gastronomique de France Bleu Auxerre. D'un naturel liant et sympathique, Jean-Pierre, connu et reconnu dans la capitale de l’Yonne, attirait forcément une sorte de réciprocité. Les gens l'aimaient parce qu'il les aimait. Et au « Rendez-Vous », du balayeur au directeur, l'accueil était à l'unisson. Avec l’animatrice Nathalie RIVAUD, nous l'avons souvent accueilli en studio pour nos émissions culinaires, nous réjouissant de sa venue, mais aussi de sa drôlerie.
Moult souvenirs me reviennent en mémoire, dont nos passages réguliers au bistrot « Le Dolet » dans la rue éponyme, des estaminets comme il n'y en aura plus demain. Avec ce bel ami, nous aimions la même France, et ne comprenions pas tout - loin s'en faut !- au monde d'aujourd'hui et ses valeurs disparues....
Impossible de l'évoquer sans mentionner son côté croyant, la charité pratiquée à sa façon originale mais bienfaisante et discrète, comme l'offre d'un foie gras maison pour Noël à ses proches veufs ou veuves. Il aimait l'église Saint-Pierre, proche de son estaminet. Il appréciait aussi ses jeunes collègues, dont Jérôme JOUBERT, le chef du « Rive Gauche » à Joigny, ou se réjouissant de l'étoile Michelin en 2019 de Franco BOWANEE « Au Vault-de-Lugny ».
Sa journée était rythmée. Ce matinal aimait aller chaque jour faire ses approvisionnements chez « Métro », ayant apprécié un directeur y étant passé, Philippe BULANT.
Un amoureux sincère de son métier et de la gastronomie
Impossible d'évoquer notre Jean-Pierre sans ses plats fétiches : les œufs en meurette et leur sauce d'anthologie, le croustillant de pied de veau, la roulade d'œuf au foie gras, les asperges sauce cressonnette - sa sauce ! - les ris de veau aux girolles, la lotte au romarin et huile d'olive (un souvenir de Monaco sûrement ), la cervelle de veau meunière et sa superbe purée bien beurrée, et le pigeonneau, servi à la goutte de sang.
Cet amoureux sincère de son métier fut deux fois complimenté par des inspecteurs du Michelin. A l'époque où le guide sillonnait encore la France et pas uniquement Courchevel et la Côte d'Azur ! Et que ses inspectrices et inspecteurs se présentaient parfois après règlement de l'addition. Une fois pour la différence de sauce entre les œufs meurette et la joue de bœuf à la bourguignonne, et une autre fois pour sa béarnaise d'anthologie !
Las ! La COVID, la retraite ainsi que le décès de son épouse l'avaient quelque peu désorienté ces temps derniers. Au revoir, Jean-Pierre, je t'embrasse comme tu le faisais avec chacun de nous, avec franchise et affection. Ton personnage truculent marqua tout ou partie de nos vies. Repose en paix, et...à la tienne avec promis un « p'tit » canon de ta Saône-et-Loire bien aimée.
Gauthier PAJONA
Ah ! Pour sûr, il a dû en voir arpenter du beau monde, sur son impeccable sol en tomettes de ciment peintes dont l'origine remonterait à la fin du XIXe siècle, dixit Serge SONNET, expert émérite en sol ancien. Le café-restaurant du « Cheval Blanc » à Cerisiers, antan, faisait même hôtel. Cette dénomination, à l'instar du « Lion d'Or », est fréquente dans les établissements de notre pays, d'ailleurs…
CERISIERS: Quelques décennies plus tard, sa réouverture heureuse et récente est liée à l'action volontariste de la municipalité et de son dynamique maire, Patrick HARPER. Ici comme ailleurs (Dixmont, Etigny, Savigny-en-Terre-Plaine, Gron...), les communes se battent pour faire revivre leurs commerces de proximité. Désormais, seuls 25 % de villages comptent encore des boutiques : ce chiffre était d'environ 75 % en 1980.
Au comptoir boisé, ça discute chasse, nom du futur Premier ministre, mets de Noël....Le mâcon dans de jolis verres n'y est pas inoubliable mais il est servi avec le sourire ! La salle du restaurant est un peu à l'écart, et pour y accéder l'on passe devant des cuisines fort propres. La formule-déjeuner se compose d’une entrée, d’un plat et d’un dessert, le tout à 23,90 euros. Il ne faudrait pas plus...
Un vin rouge des plus acidulés en bouche !
Ce midi, à l'ardoise, il y a une assiette de charcuterie ou une salade de chèvre chaud. Cette salade est basique, mais elle est bonne et correctement assaisonnée. Le pain est bon, lui aussi. Question boisson, le seul vin rouge disponible est un « coulanges-la-vineuse ». Il est légèrement acide. Force est de reconnaître qu'il n'est pas des plus augustes !
Formons le vœu que les sympathiques vigneronnes et vignerons de cette jolie commune n'aient pas présenté pareil échantillon pour tenter de décrocher la convoitée appellation communale qui signifierait sur l'étiquette la seule mention de Coulanges-la-Vineuse !
Le dos de merlu beurre blanc est servi avec d'impeccables pommes à l’anglaise, un brin persillé. Cet accompagnement, simple au demeurant, est délicieux lorsqu'il est bien exécuté, ce qui est le cas ici. Cette assiette est plaisante, là aussi dressée avec de la bonne salade ! La hampe, morceau tripier de choix, est cuite comme demandé.
Un vecteur sympathique de l’animation gourmande du village
Pour terminer, l’assiette de fromages est copieuse avec des produits affinés. Mention spéciale pour le crumble aux pommes, servi tiède. Il est vraiment fort bon, la pâte sucrée contrebalançant l'acidité des pommes ! Cerisiers au cœur du pays d'Othe est aussi le pays idoine de ce délicieux fruit à l'histoire aussi riche que variée ! La D 905, dite ancienne route de Dijon, traverse plaisamment la commune. De mémoire, elle fut jadis R N5 ou 5 bis, continuant après la cité des ducs, vers les monts jurassiens, puis la Suisse.
C'est un plaisir de pousser à nouveau la porte de cette petite auberge de bord de route, vecteur d'animation gourmande pour le village : une chance pour les habitants...et les autres, aussi.
De retour, brève halte caféinée au comptoir d'une reprise récente : le café de Malay-le-Grand. Puisque l'on peut y déjeuner (la côte de canard semblait tentante ce midi-là !). Nous vous y emmènerons en 2025.
Au plaisir de vous retrouver en 2025 !
En conclusion, « L'Aile ou la Cuisse » vous souhaite un joyeux Noël ! Il paraît que pareille formulation n'est plus politiquement correcte en 2024 ! Ainsi qu'une bonne et heureuse année nouvelle. Nous serons heureux de vous retrouver l'an prochain. Et souvenons-nous qu'un bon repas cuisiné, partagé en famille ou entre amis apporte beaucoup de ce bonheur simple, que l'on oublie parfois...D'après une information de toute dernière minute, poule au pot ou garbure seraient les plats du moment !
En savoir plus :
Les - : le vin proposé n’est pas terrible. Quant au tarif, prière de ne pas les augmenter, svp !
Les + : le service est aimable et souriant.
Contact :
Le Cheval Blanc
38 rue du Général de Gaulle
89320 CERISIERS
Tel : 03.86.96.21.99.
Gauthier PAJONA