Fichtre, à la lecture de la dernière enquête publiée cette semaine par l’UNEDIC, cela fait froid dans le dos ! Trouver un emploi durable en France après l’âge fatidique de 56 ans est plus qu’une sinécure : c’est devenu une véritable utopie. Que malheureusement, bon nombre de nos concitoyens ayant passé le cap de la cinquantaine vivent au quotidien aux quatre coins de l’Hexagone, entre amertume, incertitude et désillusion…Pauvres seniors à la recherche du temps glorieux quand ils étaient encore jeunes jadis au sommet de l’employabilité…
Pourtant, le Premier ministre François BAYROU l’a encore claironné mardi à Paris lors de sa conférence très pédagogique sur le surendettement de la France : « Les Français ne travaillent pas assez et surtout pas assez longtemps ! ».
Une vérité de Lapalisse, coulant de source évidemment surtout après l’application des 35 heures et des RTT à répétition, dans le pays européen qui demeure l’unique nation continentale et mondiale à avoir adopté cette mesure tellement révolutionnaire qu’elle ne s’est jamais dupliquée ailleurs !
Allonger l’âge de la retraite, oui, mais quid de l’emploi des seniors ?
Sur ce registre, la France persiste et signe au fil des années : la remise en cause avec leur abrogation des 35 heures n’a jamais figuré ou presque parmi les programmes des différents présidentiables qui se sont succédé depuis plusieurs élections. Hormis Alain MADELIN qui sous les couleurs de Démocratie Libérale en 2002 présenta sa candidature pour accéder à l’Elysée avec l’objectif prioritaire d’éradiquer les 35 heures et qui n’obtint in fine qu’à peine… 4 % des suffrages !
Alors, c’est sûr : François BAYROU a raison sur un point : travailler plus longtemps en France permettrait de collecter plus d’argent afin de remplir les caisses d’un Etat poussif en pleine sinistrose, au niveau de ses finances !
En 2022, l’ancienne locataire de Matignon, Elisabeth BORNE, avait à grands coups de 49.3 modifié les règles du jeu et surtout l’existence de nos compatriotes en allongeant la retraite de 62 ans à 64 ans. Dans l’optique de récupérer davantage de recettes, il va sans dire !
Pourtant, une question élémentaire – elle demeure toujours sans réponse deux ans plus tard - devait se poser à cette époque à l’ensemble des représentants de la classe politique hexagonale et aux zélés technocrates de tout poil ayant œuvré sur cette réforme si divine et providentielle ayant fait descendre dans les rues des millions de Français mécontents : comment faire perdurer l’emploi pour les seniors, ces personnes âgées de 50 ans et plus, qui progressivement ne sont plus bon qu’à jeter aux oubliettes de l’employabilité en France ?
Un salarié sur dix ayant plus de 60 ans possède un CDI
Les organismes institutionnels, acteurs de l’employabilité dans le pays, à l’instar de France Travail ou de l’UNEDIC, le savent très bien. Malgré toute leur bonne volonté, ils le disent volontiers lors de conférences de presse ou entre deux portes avant une réunion : en France, on ne sait pas vraiment traiter la très sérieuse problématique de l’emploi des seniors. Un comble quand on sait que les politiques poussent le bouchon de la retraite toujours un peu plus loin d’année en année, garnissant les rangs des seniors précaires qui craignent de ne pas joindre les deux bouts financièrement jusqu’au départ définitif du monde de l’emploi ! Pour certaines corporations, au-delà de 70 ans !
A ce titre, l’analyse de l’UNEDIC est plus que clairvoyante : elle salue la réalité du terrain que les politiques semblent ignorer, peut-être ? Décrocher un job durable après l’âge de 56 ans est quasiment impossible dans l’Hexagone, aujourd’hui. Un autre chiffre ne trompe pas sur la réalité du contexte : à 50 ans, quatre personnes sur dix travaillent avec un CDI (contrat à durée indéterminée) dans leur besace. Ce n’est pas du tout le cas à plus de 60 ans où une personne sur dix seulement bénéficie de ce sésame très rassurant qui permet de garantir normalement l’emploi. Préoccupant, non ?
Mais, on ne peut pas toujours tout reprocher aux employeurs. Si une large majorité d’entre eux sont plus que réticents à conserver des seniors au sein de leur entreprise (salaires trop importants au vu des charges sociales exorbitantes qui pèsent sur le patronat, personnels moins malléables que des juniors, absence de connaissances numériques et digitales, moins de mobilité…) une fois la barre des 55 ans révolus (y compris chez les encadrants), certains ont à souffrir d’expériences plus que douteuses de la part de leurs collaborateurs les plus âgés.
Des seniors qui multiplient arrêts de travail sur arrêts de travail parfois non-fondés avec une bienveillance relative de certains praticiens qui n’hésitent pas à ajouter des journées aux journées d’arrêt !
Vers la précarisation d’une frange importante de la population
Au-delà des discriminations à l’âge qui existent dans le milieu entrepreneurial français – contrairement à bien d’autres pays européens ou asiatiques qui profitent de l’expérience et des acquis de leurs anciens collaborateurs pour créer du tutorat avec les jeunes recrues comme dans les pays scandinaves -, il est vrai que la dégradation de l’état de santé (psychique, physique, mentale) des salariés seniors, voire dans certains cas d’une absence de remise en question en termes de qualifications et de formations aux nouvelles technologies sont considérés comme des freins à l’embauche à l’heure actuelle. C’est le revers de la médaille d’un système hexagonal qui ne forme pas assez les personnes tout au long de leurs parcours professionnels. Combien de Françaises et de Français n’ont jamais bénéficié de la moindre formation durant leurs années de labeur ? Un très grand nombre en vérité !
Le retour à l’emploi des seniors (surtout celles et ceux qui sont âgés de plus de 55 ans) s’avère presque impossible en France, à date. Notamment sur des missions de longue durée. La précarisation de cette frange de la population s’accentue inexorablement : elle saura certainement s’en souvenir en 2027 lorsqu’il s’agira de glisser un bulletin de vote dans les urnes de la présidentielle !
Thierry BRET
L’eau est un enjeu majeur des politiques locales. Dans l’Auxerrois, le choix d’en déléguer sa gestion à la société SUEZ pour vingt ans a depuis deux ans, suscité la colère des élus d’opposition, qui rejettent l’idée d’en confier la gouvernance au privé. Le collectif « Notr’Eau », qui rassemble des usagers de la Communauté d’agglomération privilégiant eux aussi une gestion publique de « l’or bleu », a organisé une réunion publique sur le sujet, avec comme invité, le député LFI Gabriel AMARD. Spécialiste en la matière qui, fort de son expérience, a multiplié les exemples pour démontrer les atouts que pourraient représenter pour le territoire un tel choix.
AUXERRE : Auxerre aura été la neuvième étape d’une tournée nationale entreprise par le député LFI du Rhône Gabriel AMARD pour défendre la gestion publique de l’eau. Un sujet qui est loin d’être anodin quand on sait qu’en métropole, plus de 430 000 personnes n’ont toujours pas accès à une eau potable sécurisée, qu’elle est aujourd’hui rationnée quasi quotidiennement, dans des départements d’Outre-mer comme Mayotte ou la Guadeloupe et que près d’un million de nos concitoyens n’ont pas accès à des sanitaires de qualité. Droit fondamental pour les uns, marchandise pour les autres, l’eau, ce « commun du vivant », comme l’appelle l’ancien maire de Viry-Châtillon, est au fil des années devenue l’objet de toutes les convoitises et par sa raréfaction, le défi majeur des générations futures.
« A Auxerre, on vous fait passer des vessies pour des lanternes en vous faisant croire que le sens de l’histoire, c’est d’avoir signé en 2023 un contrat pendant vingt ans avec SUEZ ! Le modèle français historique de notre patrie républicaine, c’est la régie publique communale, cela n’a jamais été SUEZ ou VEOLIA… ». S’appuyant sur des données chiffrées, le commentaire du député LFI est sans appel : « en 2010, la France comptait 34 000 services d’eau et d’assainissements, pour 12 400 contrats de délégation confiés au privé. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 6 380 contrats… ». Un mouvement de fond privilégiant la gestion publique et locale qui s’est accéléré ces quinze dernières années, particulièrement, dans les plus petites communes, mais également dans les grandes métropoles, à l’image de Nice, Lyon, Paris ou Avignon, toutes repassées en régie publique : « c’est pour dire que tout le monde peut y venir pour des raisons différentes. A Nice, Christian ESTROSI a fait une régie publique, il n’y est sans doute pas venu pour les mêmes raisons que moi… ».
Pas besoin de sortir de polytechnique pour comprendre le système !
Pour étayer son discours, Gabriel AMARD a brossé un argumentaire explicite, ironisant au passage sur le choix de la gestion de l’eau par le privé, décidé par la majorité communautaire : « ils prétendent qu’il savent tout et que ce sont de bons gestionnaires, là où vous ne seriez dans le meilleur des cas que des illuminés, voire des « bolcheviks », adeptes de je ne sais quel « gosplan » d’un monde révolu et passé, comme si budgéter les choses, les planifier en annuité budgétaire, c’était du stalinisme ! ». (Sic)
Les exemples cités par l’ancien compagnon de route du Parti socialiste, en faveur d’une régie publique, à ses yeux plus efficace et moins dispendieuse dans sa gestion de l’eau, sont multiples, à commencer par le montant de la masse salariale répercutée sur les factures : « avec le public, vous ne payez que les emplois se consacrant avec compétence pour que vous ayez une eau de qualité, là où dans le privé, sont inclus les salaires de directeurs commerciaux et régionaux… ». Selon les règles de comptabilité publique en vigueur, « il n’y a pas non plus de remontées financières vers une maison mère, pas d’impôts locaux, pas d’impôt sur les sociétés… ».
Chaque centime payé en régie publique et non dépensé, étant affecté au budget de l’année suivante. Dernier argument et pas des moindres, les investissements, dont les opérateurs privés privilégieraient le remboursement en un temps plus rapide que dans le public : « et ce, afin de s’en faire rembourser avant la fin du contrat. Je dis que c’est de la mauvaise gestion, contrairement aux règles de comptabilité publique amorties financièrement sur de longues durées. Si vous faites 10 millions d’investissements, ils coûteront moins cher au mètre cube chaque année si vous les payez en 30 ou 50 ans selon la nature de l’investissement, que si vous devez les rembourser en 10 ou 5 ans, il n’y a pas besoin de sortir de polytechnique pour comprendre ça ! ».
Plus de contrôle pour l’eau au robinet !
Quid du prix de l’eau ? Le député du Rhône milite en faveur de conditions tarifaires différenciées selon l’usage que l’on en fait, ainsi que pour la gratuité des premiers mètres cube indispensables à la survie : « est-ce que l’eau concourant à un chiffre d’affaires permettant à certains de faire du business est l’égale de l’eau dans la cuisine ou la salle de bain du domicile principal, je pense que non… ». Et d’ailleurs, le Conseil d’Etat dans sa grande sagesse, a déjà pris des dispositions en ce sens, différenciant plusieurs catégories de tarifs, à commencer par ceux s’appliquant à une résidence principale ou secondaire.
Une différenciation qu’en sa qualité de législateur, il souhaiterait voir appliquée aux industriels et au monde agricole : « je n’accepte pas que la redevance pour prélèvement d’eau dans la nature payée par les agriculteurs, soit à zéro ! Que celle payée par les industriels, le soit à des taux très bas. Aujourd’hui, la pollution non domestique est à 90 % générée par « l’agriculture industrielle », mais qui paie la dépollution ? A 70 ou 80 %, ce sont les usagers domestiques ! Il y a urgence à ce qu’il y ait un rééquilibrage et que grâce à une redevance déplafonnée, on puisse lever des moyens pour cela et c’est à la loi de finances de le prévoir… ». En réponse à une remarque sur le prix de l’eau multiplié par quinze en cinquante ans, là où le salaire médian l’a été par dix, Gabriel AMARD s’est voulu pragmatique, prônant une pédagogie citoyenne : « il faut rappeler que même multiplié par quinze, le prix de l’eau au mètre cube est à cinq, voire deux euros, là où l’achat en bouteille vous coûtera de 300 à 1 000 euros le mètre cube ! Trop de gens pensent que l’eau en bouteille ne comporte pas de polluants. On est tous dans le même jardin planétaire, mais l’eau la plus contrôlée aujourd’hui, c’est celle du robinet, pas celle de l’eau en plastique ! ».
A un an des prochaines municipales, le message de conclusion ne pouvait être bien sûr, que politique : « nous sommes en 2025 et le sujet de l’eau va être au cœur des politiques locales, s’il vous plaît, ne faites pas de ce « commun du vivant » un sujet à la marge ! Je n’ai d’autre conclusion à vous dire que s’il y en a qui ont été à ce point « scélérats » pour signer en 2023 un contrat les faisant repartir pour vingt ans avec SUEZ, je vous abjure, remplacez- les… ! ».
Un message qui à entendre nombre de personnes présentes, en la salle Anna de la Maison Paul-Bert, « coulait de source », il va sans dire !
Dominique BERNERD
L’homme est affable, accessible, jouant de cette bonhomie que même ses plus farouches adversaires lui reconnaissent. Il enchaîne « selfies » et dédicaces avec un petit mot pour chacun. A l’extérieur, un « comité d’accueil » brandit des panneaux de colère, portant les noms de Rémi FRAISSE et de Sivens, « in memoriam »… Dans la salle, pas mal de cheveux blancs, pour rappeler qu’il fut un temps où le Parti socialiste était le premier de France. Un temps où la vie se rêvait en rose, un temps où « le changement, c’était maintenant »…
INTERVIEW : Qu’avez-vous pensé à votre arrivée, en croisant ces manifestants venus s’il en était besoin, vous rappeler la tragédie de Sivens ?
François HOLLANDE : « J’ai vécu en tant que président tout un lot de drames, de catastrophes, d’accidents, Sivens en fait partie et d’ailleurs, j’ai appelé la famille de Rémi FRAISSE après le drame. Il y a eu cette manifestation et l’intervention des gendarmes sous l’autorité du préfet du Tarn, mais celui-ci n’a fait que son travail. Quant à Bernard CAZENEUVE, comment lui imputer le lancement d’une grenade tombée dans une capuche ? Le gendarme incriminé a pour sa part, bénéficié d’un non-lieu, même si ce type de grenades offensives est désormais interdit. (La France a été depuis, condamnée en février dernier, par la Cour européenne des Droits de l’Homme pour « violation du droit à la vie », lacunes du cadre juridique et défaillances d’encadrement). Que certains soient encore dans l’émotion, je peux l’admettre, mais pas s’il s’agit d’une opération de « petite politique »…
En 2020, la gauche perdait la mairie d’Auxerre, suite au maintien d’une liste écologiste au second tour. Alors que la fin du Nouveau Front Populaire semble désormais actée, craignez-vous que pareil scénario ne se produise un peu partout dans l’Hexagone en 2026 ?
« L’union, c’est mieux mais il y aura toujours des gens qui la rejettent. C’est aux électeurs de faire le tri et trouver la solution. Je m’explique : je pense qu’aujourd’hui, le vote doit être avant tout utile, on ne vote plus seulement par affinité, pour telle ou telle liste. Pour avoir le changement, encore faut-il que l’union se fasse et si elle ne se fait pas, d’aller vers la liste qui permettra pour Auxerre de diriger, pour la France, de présider. C’est aux citoyens de décider et si certains ne veulent pas de l’union, il faut les laisser de côté. Vous rappelez ce qui s’est passé ici il y a cinq ans, si les habitants veulent le changement, ce n'est pas la peine de revoter pour une liste qui pourrait permettre à la droite de gouverner, c’est aussi simple que cela… »
Présider ou gouverner, c’est prévoir, mais comment faire avec un Donald TRUMP à la Maison Blanche, pour le moins inconstant dans ses décisions ?
« Il est inconstant mais pas imprévisible, c’est-à-dire que ce qu’il a dit, il le fait. Il a voulu des droits de douane, il les met en place mais il est inconstant car ça ne peut pas tenir. Tout président des Etats-Unis qu’il est, tout entêté qu’il peut apparaître, lorsque les bourses flanchent, que les marchés s’excitent, que les consommateurs s’énervent et que ses propres conseillers, à la tête de grands groupes américains lui disent qu’il fait fausse route, il est obligé de céder… La seule façon de ramener un personnage comme lui à la raison, c’est le rapport de force et non une soudaine lucidité lui faisant dire qu’il a fait le mauvais choix… C’est vrai aussi pour l’Ukraine : il devait régler le problème en 24 heures, on est déjà deux mois après son élection et il se rend compte qu’il y a des soldats Nord-Coréens présents sur le terrain, peut-être même des Chinois, commençant peut-être à comprendre qu’il vaudrait peut-être mieux aider l’Ukraine si l’on veut faire céder POUTINE… ».
Il y a deux ans, l’Yonne envoyait trois députés du Rassemblement National à l’Assemblée. L’époque où le département comptait des parlementaires issus des rangs socialistes, à l’image d’Henri NALLET, de Jean-Yves CAULLET ou plus loin dans le temps, de Roger LASSALE semble bien révolue
« En fait, si on regarde l’histoire de l’Yonne, on s’aperçoit que ce fut longtemps un département radical, que l’on pourrait dire modéré, partagé entre centre droit et centre gauche. Le fait nouveau étant que ce département ait pu se donner trois députés d’extrême droite et la responsabilité en est collective. Il est impératif que la gauche et la droite se reconstituent, se remettent à travailler, pour démontrer ce qu’un parti comme le RN représente pour le département comme pour la France : non seulement un risque pour les libertés, ce qui n’est pas rien, mais aussi un risque pour l’équilibre économique. La solution protectionniste de TRUMP est celle que proposent les élus de ce parti. Ils en sont moins fiers aujourd’hui, car c’est pour eux un désaveu. De la même manière, l’extrême droite en 2014, m’avait critiqué quand j’ai annulé la vente de Mistral à POUTINE, considérant que c’était la faute des Américains et de l’Alliance atlantique s’il avait envahi l’Ukraine. Il faut sans cesse les remettre devant leurs contradictions… »
Il n’empêche que le vote RN recueille aujourd’hui l’adhésion d’un grand nombre d’électeurs, comment l’expliquez-vous ?
« Le vote d’extrême droite est pour partie sédimenté, très identifié sur les thématiques prônées par le RN, mais pour une autre partie de son électorat et c’est peut-être le cas dans l’Yonne ou dans un département comme le mien, en Corrèze, c’est avant tout un vote refus et un vote refuge. Refus des partis traditionnels mais aussi refuge pour les colères individuelles s’ajoutant les unes aux autres, avec le sentiment qu’on ne s’intéresse pas à eux, que tout se fait ailleurs dans la capitale ou dans les métropoles et qu’ils en sont exclus. Un peu comparable d’ailleurs avec ce qui s’est produit pour Donald TRUMP aux Etats-Unis… Il nous faut en tirer les conclusions et essayer de chercher ce qui pourrait les convaincre de l’intérêt d’une action politique « raisonnable » pouvant améliorer leur vie. Il est là aujourd’hui l’enjeu de la politique… »
Propos recueillis par Dominique BERNERD
Avoir comme invité de sa conférence mensuelle un ancien président de la République était sans nul doute une première pour le Cercle Condorcet auxerrois. Une soirée où François HOLLANDE, s’inspirant de son dernier essai politique, « Le défi de gouverner », a livré ses réflexions sur la gauche au pouvoir à travers l’histoire et sur cette social-démocratie qu’il appelle de ses vœux pour contrer les extrêmes et peser sur la bonne marche du monde.
AUXERRE: Il y avait du monde jeudi dernier salle Vaulabelle et c’est peu de dire que François HOLLANDE a fait « recette » ! Sympathisants ou compagnons de route d’hier ou d’aujourd’hui du Parti socialiste bien sûr, parmi lesquels l’ancien édile auxerrois Guy FEREZ, mais aussi un public venu d’horizons divers, pour un rendez-vous « républicain » avec celui qui dirigea le pays de 2012 à 2017.
Face à lui sur scène, pas moins de trois intervieweurs de renom : Pascal PERRINEAU, professeur des Universités à Sciences-Po, bien connu des habitués des « Entretiens d’Auxerre », Jean-Vincent HOLEINDRE, professeur en Sciences politiques à l’université Panthéon-Assas et président de ces mêmes « Entretiens », ainsi que la politologue et directrice de recherche au CNRS, Anne MUXEL, qui d’emblée, s’interroge : « quelle est la spécificité de la social-démocratie et pourquoi séduit-elle si peu les électeurs aujourd’hui ? ».
Le salut viendra de la bipolarisation de la vie politique française
Pour l’ancien président, pas de salut sans le retour d’une forme de bipolarisation dans la vie politique, appelant pour cela les partis qui ont longtemps pesé, à se renouveler et se réinventer : « alors que l’extrême droite reste à un niveau très élevé, qu’une alliance avec l’extrême gauche devient quasi impossible, il est plus que jamais nécessaire de reconstituer deux familles politiques, dont l’une pourrait se définir comme sociale-démocrate… ».
Une forme de pensée qui a longtemps dominé en Europe, identifiée comme « Etat providence » à même d’avancées sociales, mais aujourd’hui fragilisée : « face à des populistes, à des autocrates, la démocratie devient l’élément essentiel, mais comment faire, pour ne pas simplement la préserver, mais la « réenchanter » ? Ce sera là la grande question politique de ces prochaines années. Comment faire pour que nous puissions encore vivre ensemble, dans des sociétés beaucoup plus fragmentées, fractionnées, séparées même… ? ».
Avec la tentation pour certains, de ne parler qu’à leur électorat : « c’est ce qui se passe par exemple pour le RN, pour LFI, et je pense que ce serait une grave erreur pour le Parti socialiste, pour les sociaux-démocrates, de faire de même. L’histoire de la gauche, de la gauche réformiste en particulier, a montré l’importance à parler à tout le monde, à garder cette universalité pour qu’au-delà des minorités existantes, nous puissions trouver les éléments pour faire vie ensemble… ».
Quand François HOLLANDE remercie…Donald TRUMP pour son soutien !
Mais comment le pays peut-il entendre les propositions d’une gauche sociale-démocrate quand on connaît l’état du rapport de force électoral existant aujourd’hui dans le pays, marqué par une droitisation des plus extrêmes ? Un terme que se refuse à employer l’actuel député de Corrèze, préférant évoquer « une défiance vis-à-vis du collectif, qu’il soit institutionnel ou syndical… ». Mais quid de cette volonté affichée par l’électorat, de vivre seul pour être protégé des autres ? « De ce point de vue, les réseaux sociaux ont amplifié le caractère où chacun pense être un auto-entrepreneur politique se suffisant à lui-même et dont les relations sociales se sont considérablement amoindries, alors que la politique et notamment à gauche, supposait des relations sociales multiples… ».
Bâtir ensemble et durablement pour faire société commune et prôner l’ouverture là où d’autres privilégient le repli sur soi, c’est le défi relevé par François HOLLANDE : « je remercie Donald TRUMP pour son soutien ! En quelques mois, même pas, en quelques semaines, il aura réussi à démolir le « trumpisme » ! L’idée que si on s’enferme, on se protège des autres et de tout. La démonstration est faite, si vous tentez de vous enfermer trois jours, vous lâchez tout le quatrième car ça ne peut pas tenir ! ».
La gauche serait-elle sujette à la malédiction du pouvoir ?
Dans son livre, l’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste revient à plusieurs reprises sur la « malédiction du pouvoir » et la difficulté pour la gauche, une fois qu’elle l’exerce, de ne pas donner le sentiment de « trahir » ceux qui l’y ont conduite, comme le rappelle Pascal PERRINEAU : « quand on vous lit, on est frappé de voir que le rapport au pouvoir n’est jamais simple dans la tradition socialiste et que ce défi de gouverner pose beaucoup de questions et inquiétudes. Comme si ce n’était pas quelque chose de naturel, contrairement aux traditions de droite, que de prendre le pouvoir… ».
Même si à ses yeux, l’invité du jour ne s’en est pas si mal tiré : « sous votre quinquennat, vous assumez parfaitement l’aspect du pouvoir, en particulier au moment de la lutte contre le terrorisme, vous sentant à l’aise pour annoncer la déchéance de nationalité, au risque de vous faire taper dessus par vos camarades car vous sortiez de l’épure socialiste… ».
Un sentiment de « trahison » savamment entretenu au fil de l’Histoire, par les divisons fratricides entre gauche de responsabilités et gauche révolutionnaire, rappelle l’ancien président : « accepter le pouvoir, l’exercer, c’est entrer dans une zone dont vous ne savez pas exactement ce que vont être les turbulences, c’est entrer dans une période de désordre… ».
D’autant qu’un président élu sous l’étiquette socialiste l’est plus pour des raisons d’ordre économique que de défense ou de sécurité et que toutes mesures prises en ce sens sont le plus souvent source de controverses : « a-t-on le droit de recourir à la force ? Faut-il pour lutter contre le terrorisme, prendre des mesures pouvant à un moment être attentatoires aux libertés ? Hors, accepter le pouvoir, c’est accepter qu’une autorité légitime puisse utiliser la force… ».
Prenant pour exemple certains maires de villes importantes s’étant converti à la sécurité, aux polices municipales armées ou à la vidéo surveillance : « même les écologistes ont évolué en la matière, mais il a fallu du temps ! ».
La France a-t-elle encore les moyens de ses ambitions à l’international ?
Quid des relations internationales et de la façon dont la gauche s’est positionnée, que ce soit aujourd’hui ou hier, face aux enjeux du monde s’interroge Jean-Vincent HOLEINDRE ? Quelle politique étrangère mener pour préserver la paix ? Usant de l’oxymore, François HOLLANDE se veut pragmatique : « la paix exige pour être préservée, d’être capable de faire la guerre et pour nous qui avons été élevés dans l’idée de paix et de guerre impossible, cela ne peut se faire que grâce à la dissuasion nucléaire… ».
Surfant sur l’actualité récente pour décliner ce qui à ses yeux serait une véritable politique étrangère de gauche : « alors que Donald TRUMP vient d’arrêter tous les programmes d’aides, soit près de 40 milliards de dollars à destination de pays luttant contre la famine, le sida, mettant en œuvre des économies de développement, s’il y avait une seule décision à prendre, ce serait de se substituer aux Etats-Unis pour assurer ce rôle de solidarité internationale… ».
A condition toutefois, a-t-il omis de préciser, que notre pays ait encore en la matière, les moyens de ses ambitions !
Petit florilège de choses entendues…
Pascal PERRINEAU : « Au moins, nous nous partageons le micro, c’est cela la social-démocratie active ! ».
François HOLLANDE : « Je crois que mon dernier passage à Auxerre, c’était quand j’étais candidat aux élections présidentielles. Guy FEREZ m’avait accueilli, il faisait très beau, contrairement à la légende qui s’est installée après… ».
« La question qui sera posée n’est pas seulement de savoir comment accéder au second tour pour être sûr de gagner face à Marine LE PEN. Aujourd’hui, la question est de savoir qui peut gagner face à elle ou à Jordan BARDELLA … ».
« La gauche pense toujours que c’est en ajoutant des revendications les unes aux autres qu’elle va finir par convaincre les électeurs, populaires notamment, qui se sont détournés pour des raisons objectives. Non, c’est faux ! ».
« La décision la plus lourde que j’ai eu à prendre, c’était sur un terrain extérieur, d’envoyer les soldats au Mali. Je savais que plusieurs d’entre eux seraient ou blessés ou tués. C’est une responsabilité que de décider de la vie ou de la mort et c’est pour cela qu’il faut bien réfléchir à qui on envoie à l’Elysée… ».
« Je me suis longtemps posé la question pourquoi la Hongrie de Viktor ORBAN est-elle encore membre de l’Union Européenne ? A un moment j’ai espéré qu’il parte mais il ne veut pas partir ! Quand vous êtes à la fois l’ami de POUTINE et l’ami de TRUMP, le soutien de toutes les extrêmes droites et que vous défendez même le Brexit, j’avais envie de lui dire que la porte était ouverte… ».
« Si je n’avais discuté qu’avec des démocrates, je n’aurais pas fait beaucoup de voyages… ».
« En réalité, être de gauche, c’est aimer la France ! Hors, il y a une partie de la gauche qui n’aime plus la France, qui déteste la France. C’est la partie de la gauche qui n’a jamais accepté l’idée même du pouvoir. Si on veut le pouvoir, c’est pour servir la France… ».
Dominique BERNERD
Bon, on ne peut pas dire qu’elle a déplacé les foules, au niveau des représentants médiatiques, la députée de la deuxième circonscription de l’Yonne. Pourtant, Sophie-Laurence ROY va réaliser un sacré tour de passe-passe explicatif durant plus de cinquante minutes lors de sa conférence de presse, accueillie dans l’un des salons de l’hôtel « Le Normandie » à Auxerre. Sur la table, posée devant elle, une copie des 156 pages de la condamnation de Marine LE PEN et des 23 autres coprévenus. Avocate au barreau de Paris, c’est avec son regard analytique d’experte juridique que la parlementaire ayant rallié la cause du mouvement mariniste il y a peu va reprendre dans le menu détail les éléments à charge visant à rendre inéligible la cheffe de file souverainiste.
AUXERRE : D’entrée de jeu, c’est clair : Sophie-Laurence ROY ne demande qu’une chose à la Justice : la relaxe immédiate de Marine LE PEN ! Après une lecture sérieuse, avec crayon, gomme et papier, des volumineux documents dont elle a récupéré une copie et dont elle fait part à la presse, la parlementaire de l’Yonne réfute le jugement rendu par la juridiction de première instance de Paris. Pour elle, il n’y a pas l’ombre d’un doute : « la décision est politique, c’est d’ailleurs écrit dans le jugement ! ».
A ses côtés, l’élue, avocate de profession, n’est pas venue seule à cet exercice oratoire explicatif. Un autre confrère, Me Jean-Marc PONELLE, assiste à l’entretien. Il avait côtoyé Daniel GRENON lorsque ce dernier incarnait le Rassemblement National dans la première circonscription de l’Yonne. Sachant que désormais, le député de Puisaye, exclu du parti bleu marine, court dans la catégorie des non-inscrits. On remarque aussi la présence du président départemental de la formation Avenir Français, une entité alliée du RN, Pascal BLAISE, qui lorgne désormais sur l’investiture des municipales lui permettant d’enlever la capitale de l’Yonne, Auxerre, en mars 2026.
Elle prévient en préambule, SLR ! « Le droit, c’est compliqué et dans cette affaire, çà l’est encore plus ! ».
Pas d’enrichissement personnel
Puis, reprenant : « Dans un état de droit, les gens sont condamnés en application de lois qui existent déjà au moment des faits qu’on leur reproche. Des textes de loi qui existent et qui sont applicables à une date précise. Les faits reprochés à Marine LE PEN ont commencé en 2009 et se sont arrêtés en 2016. A l’époque, ces faits reprochés n’étaient pas interdits. Depuis, 2016, personne n'a recommencé ces faits. Le Parlement européen a dénoncé ses faits à la ministre de cette époque, Christiane TAUBIRA. Cette dernière a transmis immédiatement au parquet financier, et après enquête et instruction, amène à ce jugement. Ni Marine LE PEN ni les autres prévenus n’ont jamais contesté les faits. Le tribunal reconnaît que les contrats de travail n’étaient pas fictifs, ni que les emplois étaient fictifs… ».
Personne, selon les explications arguées par la députée de l’Yonne, ne s’est enrichie dans cette histoire.
« Le tribunal dit qu’il aurait fallu deviner dès 2009 qu’en juin 2018 la Cour de cassation allait étendre l’application de cet article du Code Pénal y compris au bien public européen et à des mandats européens. C’est ce que dit le tribunal : c’était prévisible ! ».
Concrètement, Marine LE PEN et les autres prévenus se sont défendus par la bouche de leurs avocats en rappelant qu’en France, ils étaient en pays de droit et qu’ils ne pouvaient être condamnés que sur des actes déjà réprimés au moment des faits. Mais dans le cas présent, le tribunal ajoute un codicille : celui de la prévision ! Une information apportée avec une pointe d’ironie par l’oratrice.
Bref, une condamnation du tribunal qui se base de la probabilité et de l’anticipation.
« Le tribunal justifie dans plusieurs pages la prononciation de la peine rendant Marine LE PEN inéligible avec exécution provisoire, en s’appuyant sur la loi SAPIN 2, qui est postérieure aux faits. Le tribunal a quand même prononcé cette peine parce que les prévenus n’ont pas voulu reconnaître que les faits étaient délictueux. Ce qui supposait dans l’esprit des juges que les accusés pouvaient recommencer ! ».
Une décision plus politique que juridique
Quant à l’exécution provisoire, elle est destinée à protéger l’ordre public. Un risque de récidive très limité, pour Sophie-Laurence ROY, compte tenu des faits reprochés dix ans auparavant à Marine LE PEN et à ses représentants.
« Le motif de l’exécution provisoire amenant à ce processus d’inéligibilité est le fait, ajoute l’avocate en jouant sur l’intonation de sa voix afin d’en accentuer l’outrance, c’est là où l’on voit que c’est un jugement politique. Le tribunal estime contraire à l’ordre public que les Français puissent voter pour une candidate condamnée en première instance. Il a décidé que les 11 millions de Français ayant voté pour elle, sans compter les autres qui les rejoignent depuis, ne devaient pas être autorisés à accorder leur suffrage à une personne candidate, condamnée en première instance. Or, en France, on a tous le droit d’être jugé deux fois, avant d’être condamné… ».
Une exécution provisoire qui est soit dit en passant plutôt rarissime en France dans les verdicts juridiques.
« Personnellement, confie Sophie-Laurence ROY, après un temps de respiration, je suis choquée ! Et je l’ai dit à l’Assemblée nationale. On a pris les électeurs du Rassemblement National pour des imbéciles… ».
Alors, conteste-t-elle les juges, l’avocate de l’Yonne ? « La justice fait son job habituellement, il n’y a pas de problème. Mais dans le cas présent, elle l’a fait de manière tendancieuse, manifestement ! Et, je ne suis pas la seule à le penser… ». Applaudissements nourris de la dizaine de personnes présentes dans le salon de l’hôtel auxerrois.
Puis, jetant un pavé dans la marre, Sophie-Laurence ROY insinue le doute : « des élèves magistrats qui sortent de l’école de la magistrature ne sont jamais nommés en Cour d’appel ! Ils sont nommés dans des tribunaux où l’intérêt des litiges ne dépasse pas la barre des dix mille euros. Avant de tourner dans d’autres tribunaux… ».
Moyennant quoi, et au vu de cela, la députée de rajouter : « qu’un tribunal de première instance se trompe sur son jugement, c’est courant ! Il faut voir le nombre d’affaires dont la Cour d’appel modifie le jugement initial ! Et c’est normal, c’est la vie de tous les jours dans les tribunaux… ».
D’où l’intérêt d’être jugé deux fois, en France. Selon les principes vertueux du droit, Marine LE PEN et les autres prévenus dont Julien ODOUL, député de la troisième circonscription de l’Yonne, auraient dû être relaxés parce que les faits n’étaient ni répréhensibles ni punissables au moment où ils ont été accomplis parce que du jour où la Commission européenne leur a interdit de les pratiquer, ils ont été arrêtés.
« Oui, c’est un jugement politique à cause de tout cela, résume Sophie-Laurence ROY.
La députée de l’Yonne range le dossier de 156 pages non numérotées dans son classeur. La suite au prochain épisode…avant de futures analyses judiciaires.
Thierry BRET