Sept ans après le décès du « Général de GAULLE de la Gastronomie française » - une juste dénomination servie par l'ami François SIMON -, la maison demeure telle qu'en elle-même, avec une sorte de sentiment mêlé, entre rassurant et impression fugace, d'en faire un peu partie ce jour-là, avant de s'y attabler. Les plaques indiquant les crues de la Saône (1840, 1955, 1983...), la façade éclatante de sa rougeur, les cuivres brillants de mille feux, les cadres comportant les diplômes des MOF qui interviennent ici tant en cuisine qu'en salle. Tout y est ou presque !
COLLONGES-AU-MONT D’OR : Bien sûr, l'on ne vient pas tous les jours à Collonges se sustenter avec un premier menu proposé à 225 euros ! C'est souvent lors d’une belle et magnifique occasion (les 70 ans d'un ami de longue date, en ce midi d'avril en l'occurrence). Il en va de même pour les tablées de touristes, venus de bien plus loin (la Chine) dont les yeux brillent d’émerveillement au bord de la Saône.
L'histoire du chef Paul BOCUSE est un roman. Ce jeune homme, courageux soldat de la fin de la Seconde Guerre mondiale, travailla chez les plus grands de son époque : Mado et Fernand POINT à « La Pyramide » de Vienne, chez la mère BRAZIER au col de la Luère, où il arriva à vélo (ce qui plut à l'exigeante aubergiste !). Le jeune marié revint avec Raymonde, au bercail, pour travailler auprès de son père, Georges. Puis, la maison commença sa progression pneumatique, avant de décrocher les trois étoiles convoitées en 1965 ! L'on s'y régalait alors de terrine de grives aux baies de genièvre, de mousse de truite à la Constant Gaillot, de carré d'agneau à la broche aux herbes de Provence, le tout arrosé de Pouilly-Fuissé et de Morgon. MOF (Meilleur Ouvrier de France), ce cuisinier intelligent et entreprenant fut un demi-siècle durant l'âme tutélaire de la cuisine française. Il contribua habilement à faire sortir les cuisiniers de leurs fourneaux, même si à l'hiver de sa vie, il considérait aussi caustique qu'amusé qu'il serait bon que nos chefs et cheffes retrouvent le chemin de leur cuisine, en délaissant un peu les plateaux TV et autres réseaux sociaux !
Une première visite en 2001 avec Patrick GAUTHIER
La première fois que je vins ici, ce fut en 2001, invité par le chef Patrick GAUTHIER (« La Madeleine » à Sens) pour fêter sa première étoile décrochée en 1999. Tandis que nous étions attablés, Monsieur Paul vint faire le tour des tables, dans sa veste « Bragard » grand chef et toque sur la tête. Il était accompagné de son épouse, tailleur et talon de circonstance. La classe tout simplement. Des moments qu'un gourmet ne peut oublier en tous cas.
De cette belle âme, forgée par un prestigieux passé permet à l'impeccable brigade 2025 de s'en inspirer, tout en assumant, comme nécessaire d'ailleurs.....le bel avenir de la maison ! Qu'il me soit permis un bref cocorico icaunais, avec la présence en cuisine du jeune chef de partie Paul HENNARD (le fils de François, professeur émérite de cuisine au lycée Vauban à Auxerre). Ce midi-là, Paul fut notre saucier d'exception, véritablement ! Autre clin d'œil 89, que celui du soumaintrain sur le plateau de fromages, nectar distribué par la belle maison LEROUX.
A peine attablé, le magnifique ballet du service commence, impeccable, stylé, et avec une certaine proximité de bon aloi. Je ne sais si les convives s'y sentent un peu chez eux mais cela y ressemble quelque peu. Autour de nous, quelques tables de jeunes gourmets, heureux d'avoir cassé la tirelire pour la circonstance !
Dans ce menu du centenaire (vivement recommandé par l'ami François !) chaque bouchée est un régal, à commencer par celui du pain véritablement sublime. Une table voisine choisit l'un des plats mythiques de la maison : le loup en croûte sauce Choron, impeccablement ciselé par l'un des maîtres d'hôtel, magnifique spectacle culinaire s’il en est.
Bienvenue au septième ciel !
On se souviendra longtemps de la « jambonette » de grenouille d'un producteur local, sur carpe fumée des étangs des Dombes voisines, et sa sauce cressonnière époustouflante (avec me sembla-t-il un rien de cerfeuil !). Avant ce mets délicat, une fricassée de homard bleu printanière rafraîchie de gingembre et citronnelle nous fut proposée avec un Puligny-Montrachet de fort belle tenue ! Ensuite et comme un peu inattendu, vint le tour d'un turbot sauvage, jus crémé aux coquillages (des coqs), tarte fine aux champignons et céleri. Nous sommes au septième ciel !
Après la fraîcheur à la Chartreuse verte (antan, ce fut celle au cassis et Beaujolais de mémoire !), place à un grand plat de la maison : la volaille de Bresse AOP en vessie, crème aux morilles servie en deux fois. Une assiette aussi gourmande que raffinée, magnifiée en salle, par l'impeccable découpe de la vessie. Les deux accompagnements vineux - fait du hasard, allez savoir - furent un Bonne-Mare, puis un Morey-Saint-Denis Premier cru, excusez du peu ! Quant à la sauce aux effluves de cépage Savagnin, c'est véritablement un modèle du genre.
55 ans de gastronomie unique !
Ensuite, de jolis fromages locaux furent proposés avec un Porto atypique. Vint le moment du dessert (chocolat ou agrume) magnifié par de beaux produits. La tradition de la maison accompagne chaque anniversaire d'une mélodie au limonaire - dont le chef fut un éminent collectionneur ! - orchestré par un groom des plus souriants !
Le café, suivi d'un bon digestif, et le privilège d'une visite de l'impeccable cuisine - merci Paul ! - avant de retrouver, un brin comme à regret le chemin de la gare de Lyon Part-Dieu, nous assurant une heure plus tard, de retrouver pour quelques secondes, par les grâces du chemin de fer l'auberge rougeoyante !
Cher Monsieur et chère Madame BOCUSE, vous pouvez reposer en paix ! Comme 55 ans durant, votre table historique et unique de la Gastronomie française vaut plus que jamais le voyage !
En savoir plus :
Contact :
Restaurant Paul BOCUSE
40 Rue de la Plage
69660 Collonges au Mont d'Or
Tel : 04.72.42.90.90.
Ouverture quotidienne sauf lundi et mardi.
Menu à partir de 225 euros.
Gauthier PAJONA