Il faut bien l’admettre : cela va surprendre à l’avenir. Ne plus apercevoir sa grande silhouette, coiffée de la fameuse toque des chefs, le plus souvent rivée sur la tête. Son large sourire, aussi. Il irradiait avec sympathie mais professionnalisme l’antre du centre de formation auxerrois, côté alcôve, dans les cuisines. A 60 ans, Jean-Marie LAMOUREUX a décidé de raccrocher les gants ! Ceux qui lui permettaient de sortir d’un four aux côtés de ses apprenants un plat longuement mitonné. Une retraite amplement méritée après 35 ans de carrière, vécue au CIFA de l’Yonne, où la passion des arts culinaires ne le quitta jamais, comme chevillée au corps…
AUXERRE : Il va nous manquer, çà c’est sûr ! Lors des visites concoctées par le CIFA de l’Yonne, le saint des saints de l’excellente apprenante icaunaise, à l’occasion d’un évènementiel, accueilli en ces murs, ou au moment de rencontrer un petit prodige des arts culinaires devant effectué son ultime stage de préparation avec un MOF lui distillant toutes les astuces pour briller aux « World Skills » ! A chaque visite au centre de formation de l’Yonne, qui fêtera par ailleurs son cinquantième anniversaire en 2025 – comme un judicieux clin d’œil ! -, on prenait toujours le temps de discuter avec l’un des éléments majeurs de cet établissement, le maître es enseignement aux arts culinaires, en mode cuisine et pâtisserie, Jean-Marie LAMOUREUX !
Souriant, affable, toujours féru de bons conseils sur les informations pédagogiques à divulguer, proche de ses élèves – il en aura formé in fine la bagatelle de…1 945 rien que ça dont certains officient encore aujourd’hui dans les plus grandes maisons en qualité de chefs cuisiniers -, le personnage est connu et reconnu auprès de ses pairs et de sa corporation. N’a-t-il pas succédé à une autre figure de la gastronomie bourguignonne il y a quelques années à la tête de l’Amicale des Cuisiniers de l’Yonne, Daniel AUBLANC ? N’a-t-il pas fréquenté la crème des crèmes des professionnels de la bonne chère durant sa carrière et en faire profiter l’établissement pédagogique qui l’employait lors d’évènementiels de belle facture organisés sur les bords de l’Yonne à Auxerre ? On pense notamment aux différentes éditions du défi culinaire hexagonal, « Iron Cook », concept porté sur les fonts baptismaux de la créativité par l’ancien directeur du CIFA de l’Yonne, Marcel FONTBONNE, avec sa pléthore de références gastronomiques à la clé.
Produire ce qui est utile par le biais du travail !
Alors, quoi de plus naturel au soir de la cérémonie qui lui était consacrée de voir réuni la fine fleur des acteurs essentiels qui ont compté dans la belle carrière d’un Jean-Marie LAMOUREUX, élégant et raffiné comme à l’accoutumée dans sa prise de parole. Entre une pointe d’émotion dans la voix lorsque l’ex-enseignant se souvint avec nostalgie de l’une de ses élèves trop tôt disparues, Coralie, et sourires à la vision d’un diaporama humoristique mettant en scène notre vedette du jour préparé par Maxime LAUZET, très facétieux, comme à son habitude.
Un départ à la retraite après 35 ans de carrière passé dans ces murs, avons-nous dit, qui affecte l’intéressé, selon ses premiers mots. Jean-Marie LAMOUREUX ne manqua pas de rendre hommage à ses piliers et mentors qui l’ont épaulé durant toutes ces années professionnelles. On notera au passage les noms de Jean-Marie DROUIN (enseignant restaurant), de Xavier STEG (enseignant cuisine), de Roger ROUSSEAU (enseignant pâtisserie). Peu prolixe d’ordinaire pour évoquer sa propre carrière, l’orateur lisant ses notes au pupitre du gymnase qui accueillait la cérémonie en fit pourtant allusion avec « intégrité ».
« Produire ce qui est utile par le biais du travail » demeurera au fil des jours de son engagement à la formation des apprentis le credo préféré de Jean-Marie LAMOUREUX. Une valeur riche et primordiale, à ses yeux. « C’est un élément essentiel que j’ai inculqué chaque jour à nos apprenants… ».
Fier de son appartenance à la grande famille du CIFA 89 !
Exerçant jadis ses activités culinaires dans les grandes maisons bourgeoises parisiennes, avant de devenir restauratrice dans la Beauce, la grand-mère du futur retraité s’invita dans l’évocation de ses souvenirs. Logique, c’est elle qui lui transmit cette passion de la gastronomie à l’âge de dix ans. Mais, attention, pas n’importe quel choix de carrière ! Celui de rejoindre une brigade à bord d’un paquebot de croisière ! Le rêve de gosse de Jean-Marie LAMOUREUX !
Mais, c’est aux côtés d’un pâtissier-confiseur de Sens, Serge COMBES, que l’intervenant du soir entamera sa formation. En 1979, c’est en qualité d’apprenti de base que notre homme rejoint le CIFA de l’Yonne. Nonobstant, il passera bel et bien par la Marine nationale pour y effectuer son service militaire mais pas sur un paquebot de croisière !
Plus tard, il se prépare au concours international de pâtisserie. Il y obtiendra le titre de deuxième meilleur jeune ouvrier pâtissier d’Europe - une très belle carte de visite -, complétant ainsi un palmarès déjà pourvu du titre de meilleur apprenti pâtissier de Bourgogne. Une région qui n’était pas encore affiliée à celle de la Franche-Comté. Autant de distinctions honorifiques qui lui permirent d’exercer au sein de belles maisons à Paris. C’est en 1990 qu’il tire un trait sur l’existence parisienne pour s’installer dans la capitale de l’Yonne. C’est là qu’il découvre le CIFA et ses méthodes de pédagogie active.
Un peu plus tard, en 1999, Jean-Marie LAMOUREUX vit avec enthousiasme la création de la mention « dessert de restaurant », arrivant ainsi dans la besace du CIFA auxerrois. Puis, l’année suivante, ce sera le Bac Pro. Plus récemment, Jean-Marie LAMOUREUX se réjouira de la création du BTS sous l’égide de Vincent DEHARBE, responsable du département et fidèle en amitié. Fier d’appartenir à la grande famille du CIFA 89 – une véritable institution prônant l’excellence -, le jeune retraité (il l’est officiellement depuis le 01er février) a finalement tout connu durant sa carrière : « j’ai connu l’écriture au stylo bille, l’utilisation de la machine à écrire, puis l’informatique ! Mes classeurs ont été remplacés au fil des ans par un ordinateur et le téléphone portable ! ».
Enseigner avec passion le savoir-faire et le savoir-être
Pourtant, face à trop d’excès de modernisme, Jean-Marie LAMOUREUX préfère que « les apprenants fassent d’abord marcher leur tête avant de faire fonctionner leurs mains ! »
Une méthode qui paie au vu de l’élogieux palmarès que présenta ensuite un Jean-Marie LAMOUREUX très à l’aise face au public.
« Le CIFA de l’Yonne, c’est cinquante sessions du concours d’Un des meilleurs apprentis de France, une vingtaine de sessions de championnat des meilleurs desserts à l’assiette, l’accueil des sélections pour les « World Skills » ou de « l’Iron Cook ».
Puis, s’adressant directement aux apprentis, l’orateur rappela les fondamentaux de son enseignement qu’il aura su prodiguer à toute cette jeunesse de l’Yonne : « j’ai enseigné avec la passion qui m’anime les connaissances du savoir-faire et du savoir-être… ».
Il conclut en citant le créateur de l’Académie Culinaire de France, Joseph FABRE en 1879, « instruire le cuisinier, lui apprendre à cultiver ses facultés, par l’étude des sciences, est le moyen le plus immédiat pour le mettre à même de diriger une cuisine en main de maître… ».
Une belle formule exprimée juste avant de remercier l’ensemble de ses collègues et amis, la présidence actuelle du CIFA incarnée par Didier CHAPUIS et la direction de l’établissement, poste occupé par Lilian GARCIA. Sans omettre sa famille et son épouse. Les ultimes mots prononcés par l’intervenant avant que ne résonne durablement dans la salle une salve d’applaudissements…
Thierry BRET