Elles ont hélas quasi-disparu de nos paysages routiers, de ces axes nationaux (RN6, RN7,...) qui sont désormais départementaux à la numérotation multiple. Je veux parler de ces pimpantes auberges de bord de route qu'affectionnait l'auteur, récemment disparu, Benoit DUTEURTRE. Oui, où sont-elles ces auberges du « Bon Chasseur », du « Relais de la diligence », de « Chez Fifine », et autres restaurants du « Cheval Blanc », qui par la signalétique d'un chef rondouillard à l'œil gourmand, annonçait gibelotte de lapin, lotte à l'américaine, mets conclus par des crêpes flambées, le plus souvent…
VILLEBLEVIN : Victimes des axes autoroutiers, de repas pris à « la va-vite », seul(e) parfois dans l'habitacle routier, certaines ont cependant vaillamment résisté, pour le plus grand plaisir d'une clientèle souvent fidèle. La plus septentrionale de l'Yonne est de celle-ci : « L'Escale 87 », sise à Villeblevin. On la reconnaît à son impeccable façade rougeoyante, faisant penser quelque peu aux couleurs vives de la maison Bocuse, à Collonges-au-Mont d'Or, dans le Rhône.
Voici 35 ans, que les chefs Gilles et Dany nous y accueillent avec sourire et gentillesse. Leur credo : faire plaisir aux convives, une mission grandement accomplie. Gilles est un enfant du très joli village de Gron. Quant à Dany, elle nous vint tout droit du plat pays. A l'heure où nous mettons sous presse numérique, formons le vœu que leur reprise se concrétise dans les jours prochains. Ce serait mérité pour eux et pour nous aussi d'ailleurs !
Des assiettes goûteuses et colorées…
L'auberge fut tardivement référencée au guide Michelin en 2017. Pourquoi pas avant ? Encore un mystère pneumatique ! Le guide indiquait alors que le lieu était une bien chaleureuse auberge au bord de l'ancienne N6, dont l'intérieur coquet se pare de divers objets agrestes et de mobilier rustique. La tradition est de mise dans les assiettes goûteuses, colorées et servies avec le sourire par-dessus le marché : on y passe un moment très agréable. Tout est dit ou presque. En sus, cerise sur le gâteau : une impeccable terrasse donnant sur un joli jardin.
En en poussant la porte la semaine passée, j'y ai retrouvé, non sans une certaine émotion, deux de mes objets préférés de cette déco éminemment personnalisée : la table en bois d'écolier, assortie d'un encrier mais aussi ce cadre d'un menu des années 20 du siècle passé, dans lequel quelques hors d'œuvre précédaient un bar sauce hollandaise, suivi d'un poulet sauté chasseur, précédant gigot d'agneau rôti, puis pâté-croûte. Fermez le ban !
Une certaine émission télévisée avec France 3 !
En 2024, le kir est proposé avec de bonnes gougères, suivi d'une goûteuse crème de chou-fleur, légume aux ressources infinies : salade, gratin, soupe.....Quant à la tête de veau, en versions diverses, elle a toujours figuré à la carte de l'auberge. En salade - qui aurait mérité un soupçon d'assaisonnement en sus -, c'est délicieux aussi, au travers d'une assiette colorée ! Gilles est un grand fan de la cuisine d'abats, et je me souviens ici, voici quelques années d'une émission TV avec FR3, où j'étais intervenu avec nos célèbres tripiers des marchés icaunais, les sympathiques frangins MAGNONI !
L'ode tripière continua alors avec une fricassée d'agneau à la bourguignonne de belle tenue. J'eus la chance de goûter mes premières noix de Saint-Jacques de la saison. Elles venaient tout droit de Normandie, leur corail en attestant. En sa qualité de cuisinier consciencieux, aimant son métier tout autant que ses clients, notre chef les reçoit, comme il se doit, en coquille et non point en seau additionné d'eau saumurée, comme chez trop de ses « collègues » désormais, hélas…
Se dépêcher d'y retourner !
Un soigné fromage blanc aux herbes pour continuer, avant un dessert praliné. Longtemps durant, l'un des desserts phare de la maison fut un délicieux gâteau de crêpes à la crème d'orange. Le café est servi avec une petite crème au café, intéressante ces deux nuances de caféine.
C'est comme à regrets, que l'on voit arriver l'heure du départ... Au revoir Dany, au revoir Gilles ! Vous allez nous manquer. Peut-être que l'inverse est-elle aussi de mise. Car demain dans ces trop rares auberges de bord de route, restera-t-il des valeureux et courageux, à l'instar de Dany et Gilles. On ne peut que le souhaiter, mais…
Bientôt la fin, dépêchons-nous d'y aller, d'y retourner, de se régaler !
Contact :
L'Escale 87
231, lieu-dit le Petit Villeblevin (D606)
89 VILLEBLEVIN
Te : 03.86.66.42.56.
Premier menu à 39 euros
Ouverture du jeudi au dimanche midi.
Gauthier PAJONA