« Mieux vaut prévenir que guérir » ! Un proverbe populaire qui prend particulièrement tout son sens en matière médicale. C’est dans cette optique que la ville d’Auxerre a souhaité participer à la Journée mondiale de la Santé, en regroupant, place de l’Arquebuse, une trentaine de professionnels et associations engagées chacun à leur manière dans la lutte pour la prévention.
AUXERRE : Au risque de tomber dans le cliché sexiste, la couleur rose affichée sur le stand ne laisse planer aucun doute possible sur la nature du public attendu ! L’association « Agir pour le cœur des femmes » est déjà bien connue des Auxerrois, avec son bus sillonnant la France, qui fera étape pour la troisième année consécutive dans l’Yonne, les 17, 18 et 19 septembre prochains.
A son bord, des professionnels de santé pour accueillir un public de femmes en situation de vulnérabilité et leur proposer un dépistage préventif cardio-vasculaire et gynécologique : « nous visons des personnes plutôt en situation précaire, éloignées des parcours de santé et identifiées grâce à notre partenaire, la CPAM. Un public souvent sans médecin traitant ou pas à jour de leur dépistage de cancer… ».
L’intérêt d’une journée comme celle-là étant de pouvoir en amont, informer le maximum de personnes du dispositif proposé à bord du bus itinérant : « notre venue est loin d’être anecdotique, pour preuve ces deux personnes venues pour un dépistage, mais en détresse cardiologique, que l’on a envoyées en urgence à l’hôpital d’Auxerre lors de notre passage l’an dernier… ».
Des échanges avec la population en toute transparence
Sur le stand voisin à l’enseigne de « Maisons Sport Santé », un vélo mis à disposition, pour fabriquer de l’électricité et réaliser dans le même temps un cocktail de fruits des plus appétissants. Pas toujours facile de sensibiliser le passant à sa propre santé, reconnaît ce membre du Comité Départemental Olympique et Sportif de l’Yonne (CDOS) : « c’est un thème qui touche tout le monde mais n’est pas forcément pris à bras le corps par le public. Ce matin sur un stand, j’ai fait un test diabète, il est vrai qu’il y a toujours une appréhension en attendant le résultat… Mais pour autant, il faut continuer à prendre son bâton de pèlerin pour informer sur la santé, continuer encore, marteler le message, d’où notre présence aujourd’hui… ».
Autre partenaire présent : le Centre Hospitalier d’Auxerre, venu parler « transparence, ouverture, rencontres, échanges » avec le public, explique ce cadre de santé. L’occasion de faire connaître l’évolution de l’établissement au fil de ces dernières années et les services récemment mis en place, comme la création de ce Centre de Soins Spécialisés pour Femmes Victimes de Violence de genre (CAVI), ou le nouveau Centre 15 : « aujourd’hui, l’hôpital n’est plus centré sur lui-même et l’on travaille aussi avec des acteurs de territoire, comme les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), afin que le patient ait une continuité de son hospitalisation… ».
Plus besoin de présenter le SDIS, même si, reconnait Fendi BABA, jeune sapeur-pompier volontaire de l’Yonne, les fausses idées sont encore légion : « beaucoup de gens imaginent que les incendies sont le cœur du métier, alors qu’ils ne représentent guère plus de 8 % de nos sorties, essentiellement consacrées au secours à la personne ».
Haro sur le tabagisme passif : il tue 5 000 personnes par an
Selon un chiffre révélé l’an dernier par Santé Publique France, 23 % de la population s’astreindraient à l’usage quotidien de la cigarette. Même si le taux de fumeurs est le plus bas jamais relevé depuis une quinzaine d’années, le tabac reste la première cause de mortalité évitable en France avec 75 000 décès par an. Une hécatombe contre laquelle lutte sans relâche l’association « Tab’agir ». Sur le stand de l’antenne auxerroise, des appareils à disposition pour mesurer le taux de monoxyde de carbone de chacun, en fonction de son hygiène de vie. Maryline DELAGNEAU est satisfaite des rencontres de la matinée : « en ce début d’après-midi, on en est à 28 personnes sensibilisées pour huit orientations vers des prescripteurs de réseau, c’est plutôt positif… ».
Des consommateurs de tous âges, allant de 23 à 78 ans, à qui sont proposées, outre des consultations auprès de prescripteurs, de pouvoir bénéficier de plusieurs séances d’accompagnement gratuites en matière de diététique et de psychologie, pour une thérapie comportementale et cognitive : « car en fait, il y a trois dépendances dans le tabac : une première d’ordre physique, une seconde concernant la gestuelle et la troisième, classée dépendance psychologique… ». Pour Jean-Loup DUROS, médecin coordonnateur au sein de l’association auxerroise, il est un autre chiffre dont on ne parle pas assez, celui du tabagisme passif : « en gros, près de 5 000 morts par an ! Un chiffre souvent ignoré. Savez-vous qu’avant la loi de 2006 (relative à l’interdiction de fumer dans les lieux publics), les serveurs dans les cafés et restaurants étaient en voie de passer en maladie professionnelle à cause du tabac ! ». Il est aujourd’hui interdit de fumer en voiture en présence d’un enfant, mais comment faire respecter la loi ? Le médecin auxerrois a sa petite idée : « pourquoi ne pas simplifier par un décret rapide interdisant tout simplement de fumer en voiture ! ». Une addictologie qui n’est pas sans effet non plus sur le budget du ménage : « c’est simple : un paquet par jour, c’est 23 % du SMIC en fin de mois ! J’ai même connu une famille où tout le monde fumait et là, on approchait les 2 000 euros mensuels ! ».
Une première édition qui en appelle d’autres
Tout le monde a déjà entendu parler de l’association France Alzheimer : « tout le monde connaît, mais tout le monde a des questions », temporise Gérard CLEMENCELLE, président de FA 89. La maladie n’est plus aujourd’hui un sujet tabou et ils sont nombreux à s’arrêter sur le stand, en quête de renseignements sur les formations des aidants et les prestations proposées : « à partir du moment où la personne est diagnostiquée, il est important de savoir comment se comporter avec elle, ce qu’il faut faire ou pas. Quelqu’un malade d’Alzheimer a parfois des problèmes pour mettre des mots sur ce qu’elle dit, se tait et se confine dans le silence, peut avoir des gestes bizarres pouvant agacer l’entourage, au risque que celui-ci devienne maltraitant. Quand on sait comment se manifeste la maladie et comment y répondre, cela apaise beaucoup de choses et empêche les peurs… ».
Certaines mesures de prévention sont aujourd’hui connues, comme éviter l’alcool et le tabac, respecter une hygiène de vie, entretenir sa mémoire et ne pas rester seul : « mais faire des mots croisés dans son coin, c’est non ! Il est impératif de conserver une vie sociale, d’éviter de se replier sur soi-même et de ne surtout pas s’isoler… ».
Pour Marilyne SAINT-ANTONIN, adjointe à la Ville d’Auxerre en charge de la santé, des affaires sanitaires et sociales et des solidarités, une journée comme celle-ci ne peut qu’aller en ce sens, fière qu’Auxerre soit la seule ville de Bourgogne Franche-Comté avec Dijon, à avoir organisé la tenue de ce village-santé : « en fait, notre contrat local de santé est très orienté sur tout ce qui est prévention et il me paraissait important de réunir en un seul lieu différents acteurs locaux, qu’il s’agisse de professionnels des maladies coronariennes, du diabète, de la lutte anti-tabac, mais aussi d’autres acteurs comme le SDIS, le SAMU ou l’hôpital psy, pour des initiatives communes… ».
Une première édition appelée, on l’espère, à se pérenniser dans le temps, voire à se relocaliser en centre-ville pour gagner en lisibilité, même si pour nombre de visiteurs rencontrés, le sujet prioritaire reste bien celui de l’accès aux soins, face à un manque prégnant de médecins sur le territoire auxerrois.
Dominique BERNERD