A l’instar de nos amis belges, on pourrait réaliser quelques économies substantielles en prolongeant la décision de nomination des ministres pendant une année. Ainsi, la Belgique est restée sans gouvernement durant 541 jours ! La vie des citoyens fut relativement peu perturbée. Au niveau communautaire, les réactions varient : pour trois quarts des francophones, cette impasse politique n'a eu aucun impact sur leur vie quotidienne. Côté flamand, ils sont deux tiers à avoir dit la même chose. Aujourd’hui, nos ministres « démissionnaires » gèrent les affaires courantes et ne s’en sortent pas si mal ! Et ceux qui souhaitent rester doivent être encore plus performants…
TRIBUNE : Une France sans aucune majorité absolue, ni perspective de coalition viable et potentiellement ingouvernable… Même en Belgique, où deux records de longévité de gouvernements en affaires courantes et minoritaires ont été battus, cette dernière décennie, l’équation française semble bien difficile.
Comment fonctionne un pays sans gouvernement durant un an ? La question fait souvent sourire les Belges. Mais pour Caroline SAGESSER, chargée de recherche au CRISP, le Centre de recherche et d’information socio-politiques, cette situation n'est pas forcément bloquante : « Nous avons l’habitude, car, d'une part, nous avons beaucoup de compétences qui sont gérées au niveau des entités fédérées, régions et communautés, des entités qui ont des gouvernements de plein exercice et qui fonctionnent. De l’autre, nous avons l'habitude de travailler avec un gouvernement qui gère les affaires courantes ».
En France, le quotidien du citoyen est plutôt bien assuré : des élus et des fonctionnaires spécialisés dans leur discipline, au niveau des communes, des communautés de communes, des cantons, des régions… un véritable millefeuille administratif, mais qui réalise un service public efficace pour chaque jour. N’oublions pas les différents services qui assurent notre vie, notre confort et notre sécurité : les transports, la poste, les réseaux câblés, la sécurité (police et gendarmerie), les hôpitaux… Que demander de plus ?
Des ministres démissionnaires qui gèrent les affaires courantes
Nos ministres gèrent le courant et plutôt bien. Si nous prenons par exemple le ministère de l’Intérieur, Bruno RETAILLEAU a pu gérer la dernière grande manifestation et les blocages prévus par les contestataires. L’international reste la prérogative du Président de la République. A partir de l’exemple Belge, on peut déduire que l’absence de gouvernement empêche toute modification budgétaire, et donc sa maîtrise et sa réduction.
Durant plus de trois semaines, nous avons été sans gouvernement. Juste un Premier ministre fraîchement nommé et une équipe gouvernementale, démissionnaire mais qui travaille. La prolongation de cette situation peut être stratégique. Nous savons que le jeu de l’article 16 de notre Constitution chatouille Emmanuel MACRON : garder les pleins pouvoirs. Les journalistes et les « pisse-copies » pourront noircir du papier en s’égosillant sur les alliances en cours, les ruptures de certains politiques avec d’autres, les stratégies possibles, les plans prévisionnels pour diminuer le budget ou résorber la dette… Bref, le conditionnel devient le mode préféré de nos journalistes, tout média confondu ! Ajoutons les fausses nouvelles qui meublent l’information de moult rectifications. Il reste à la presse, la couverture des évènements tragiques, comme les accidents, la maltraitance imposée aux femmes et aux enfants, les agressions en tout genre… De quoi contribuer à la neurasthénie ou à la dépression de nos concitoyens !
Du pragmatisme pour gagner en efficacité
Concrètement, nous vivons sans gouvernement mais avec des ministres toujours opérationnels. Il faut profiter de cette situation pour diminuer les frais de fonctionnement : logistiques, personnels administratifs, utilisation des locaux. On peut engager tout une réflexion sur la compression des charges liées aux différents ministères. Mettons de côté les fonctions régaliennes ou quasi régaliennes : la justice, le budget et l’économie, la sécurité intérieure et la défense. Pour la monnaie, tout est concentré à la BCE et à Bruxelles. Pour les ministres concernés par le régalien, il n’y a rien à modifier et ils conservent leurs moyens (bureaux, hébergement, voitures, chauffeurs…). Comme le Premier ministre à l’Hôtel Matignon et le Président à l’Elysée. En ce qui concerne le quai d’Orsay, le ministère des Affaires étrangères, le rétablissement d’un véritable corps diplomatique engage le maintien dans les locaux.
Pour les autres ministères, nous pouvons envisager de les regrouper dans un lieu commun. Une économie non négligeable en matière de coûts de fonctionnement. Au départ, il convient d’investir dans un nouveau local dont le coût d’acquisition peut largement être compensé par la vente de tous les immeubles des anciens ministères. Cette disposition permet de diminuer le nombre de voitures, de supprimer des chauffeurs et du personnel administratif, de limiter les coûts d’énergie, d’électricité, de chauffage… un standard unique, un pôle reproduction de documents commun, faciliter les téléconférences (Premier ministre, Présidence de la république, commissions européennes, les homologues à l’étranger)… Gain de temps, efficacité, pragmatisme sont à l’ordre du jour pour réduire le budget.
Un an sans gouvernement, donc un an sans Parlement
Une année sans gouvernement, c’est aussi mettre au chômage les députés et les sénateurs, sans indemnisation. Pas de quoi pleurer dans les chaumières ! Le budget de l'Assemblée nationale pour 2025 prévoit un total de dépenses de 643,1 M€. L'Assemblée nationale compte 577 députés, 2 100 collaborateurs de députés à Paris et en circonscriptions ainsi que des groupes politiques, 1 225 fonctionnaires et contractuels dans les services. Pour le Sénat, le budget en 2025 prévoit un total de dépenses de 379 M€, avec 348 sénateurs et 1 100 fonctionnaires. Un cheveu dans le potage : le Sénat possède un fonds de réserve de 1,5 milliard d’euros ce qui fait grincer quelques dents.
Un trésor de guerre, une cagnotte, magot, caisse noire... sur quoi nos sénateurs sont-ils réellement assis ? D’où viennent les 1,5 milliard d’euros du fonds de réserve du Sénat et à quoi servent-ils? Des excédents budgétaires annuels constitués depuis la Libération. Ce fonds de réserve est régulièrement pointé du doigt, surtout depuis que l’Assemblée nationale a accepté, de rendre son argent à l’Etat, sous la présidence de Philippe SEGUIN.
Les fonds publics accordés par l’Etat doivent être restitués, dans tous les cas, en situation de crise budgétaire, le Sénat doit en reverser une bonne partie. Avec notre mentalité bien franchouillarde, chacun s’efforcera à tout dépenser. Affaire à dénoncer sereinement mais à suivre !
Entre l’Angleterre qui compte plus de 1 400 parlementaires et Chypre qui en totalise 56, on doit remarquer que la France se situe à un niveau trop élevé. En comparaison, les Etats-Unis enregistrent une centaine de sénateurs et une Chambre des représentants (fonction législative), forte de 335 élus. Edouard PHILIPPE avait souhaité diminuer le nombre de parlementaires, mais face à une levée de boucliers efficace, le projet est tombé dans les oubliettes…
Cher Monsieur LECORNU, vous avez récemment lancé l’idée que nous devions être créatifs. Dont acte ! Je vous invite à lire plus souvent la presse régionale et à fréquenter les cafés. Les citoyens, en levant leur tasse, ou avec modération leur chope de bière, apportent beaucoup de bon sens dans l’analyse de notre situation économique et politique, voire de nombreuses idées pour redresser les comptes… Nous n’avons toujours pas de pétrole mais beaucoup d’idées…
Jean-Paul ALLOU