Edgar Faure était certainement le maître de l’apostasie. Il déclara à un journaliste : « un homme politique ne change jamais d’opinion, il évolue…». Et il savait de quoi il parlait… De nombreux politiques aujourd’hui sont prêts à vendre leur âme pour garder leur pouvoir. De facto, bienheureux sont ceux qui n’ont pas d’âme !
TRIBUNE : L’apostat correspond à celles et ceux qui abandonnent une cause ou une opinion. Rester fidèle à ses engagements, constant dans ses opinions, loyal avec ses alliés, attaché à son parti, c’est le portrait psychologique d’un « politique » droit dans ses bottes ! Les élections législatives ont au moins permis de mesurer à quel point nos valeureux élus sont prêts à renoncer à leurs engagements initiaux, pour préserver un poste à l’Assemblée nationale !
Etonnants parcours que ceux de ces « félons », transfuges et autres indécis aux convictions réversibles qu’on a surnommés au fil des époques, girouettes, moulins à vent, matois, caméléons, opportunistes, Saxons, renégats ou jaunes ! Entre idéaux bafoués et réalités mouvantes, retourner sa veste est devenu un art ! L’art de retourner sa veste est pratiqué en politique depuis la nuit des temps. Citons Marion MARECHAL qui passe du Rassemblement National à Reconquête, puis de Reconquête au RN… Il est rare qu’un individu, dans l’histoire, garde les mêmes options politiques, ou demeure dans la même famille politique. Pour survivre, franchir les obstacles, résister au flux de l’histoire, il faut parfois se montrer habile. C’est ce qu’ont fait beaucoup de ces personnages.
D’une girouette à l’autre, entre dogmatisme et mercantilisme !
On peut classer en plusieurs catégories les hommes publics dont il faut distinguer les motivations. La moins glorieuse est la famille des « girouettes vénales » qui changent de camp pour des avantages matériels. À l’opposé, les « girouettes cérébrales » qui évoluent sur des exigences intellectuelles qui peuvent les éloigner du pouvoir en place, au profit d’un idéal utopique difficile à atteindre : Victor HUGO, Jean JAURES illustrent cette forme de mobilité presque désintéressée. Victor HUGO passe ainsi du monarchisme au socialisme et déclare qu’il est normal de changer d’avis « les faits vous amènent à modifier votre réflexion » disait-il. L’esprit critique en moins mais aussi peu politiques viennent les « girouettes dogmatiques » à l’instar de Gustave HERVE, Marcel DEAT, Henri BARBE, Pierre CELOR ou Roger GARAUDY qui ressentent le besoin de croire, quelle que soit la croyance et peuvent passer d’un catéchisme à un autre, sans cesser de se trouver en terrain de connaissance.
À leurs côtés, on peut distinguer une catégorie spéciale des « girouettes aventureuses », qui ont besoin de combats et se trouvent des causes à défendre au mépris de toute prudence, comme le général CLUSERET, Jacques DORIOT ou encore Gilbert PRADET. Plus pragmatiques sont les « girouettes opportunistes », les seules à véritablement rechercher « le pouvoir politique et lui seul » : MIRABEAU, TALLEYRAND, GAMBETTA, Edgar FAURE. Aujourd’hui, parmi les girouettes cérébrales, on peut épingler Emmanuel MACRON et Jean-Luc MELENCHON. Parmi les girouettes vénales, nous pouvons épingler de nombreux députés sortants, de tous les bords politiques : ceux qui veulent à tout prix garder leur poste. Pour les girouettes aventureuses, nous les retrouvons pour beaucoup dans le camp du Nouveau Front Populaire. En effet, la purge organisée par MELENCHON à l’encontre des contestataires de son camp, a permis aux députés écartés de devenir des renégats et de passer dans le camp des aventureux. Si Eric CIOTTI passe dans le camp des aventureux, on peut noter que les membres des Républicains qui refusent de le suivre, restent, pour la plupart, fidèles à leurs idées.
Des opportunistes en politique jusque chez les artistes !
Notons le particularisme d’un artiste qui sut habilement mêler l’art et la politique : le peintre DAVID, célèbre notamment pour ses tableaux à la gloire de Napoléon dont il a immortalisé les dates marquantes de son parcours, notamment son sacre… Mais les chefs-d’œuvre de David consacrés à la propagande bonapartiste marquent en fait l’accomplissement d’une carrière originale, qui mélange l’art et la politique, confusion des genres qui l’a mené du roi Louis XVI – dont il a voté la mort en parfait opportuniste – à Robespierre et de Robespierre à Napoléon. A l’instar de David, de nombreux artistes, voir des artistes, devenus hérésiarques, ont pris la parole pour déclarer qu’il fallait faire barrage au Rassemblement National. Des opportunistes qui cherchent à gagner en popularité et à vendre plus de CD. Une étrange conception de l’art, dont personne n’est dupe et qui peut revenir en boomerang à la tête des artistes en question.
Et voici le temps des relaps !
Si on en croit le « Littré », le relaps est celui qui retombe dans l'hérésie, après en avoir fait l'abjuration publique. A en croire Jean-Jacques ROUSSEAU, si le délinquant, s'étant rangé, retombe, s’il commet un nouveau délit plus grave, il mérite un traitement plus rigoureux ; il est relaps, et les voies de le ramener à son devoir doivent être plus sévères.
Le premier politique accusé devant un tribunal ecclésiastique fut Jeanne d’Arc. C’est sous l’accusation de « relaps » que notre héroïne nationale fut brûlée vive. La Ligue osa appeler ces princes relaps, Henri de Navarre (Futur Henri IV), et le prince de Condé, qui s'étaient faits catholiques à la Saint-Barthélemy, et qui, libres, étaient retournés au protestantisme. Finalement le dilemme est de faible intensité, nos hommes politiques, qu’ils soient relaps ou apostats, ceux qui veulent arriver à leur fin, sont capables des plus perfides reniements et compromissions…
Vouloir s’unir pour créer le Nouveau Front Populaire est une intention louable pour les protagonistes. Ici commence le débat démocratique et les argumentaires ad hominem font florès ! Les arguments de rhétorique renvoyant les adversaires politiques sur la cohérence de leurs propos, en opposant les paroles et les actes, deviennent monnaie courante.
Mais vouloir arriver à ses fins en reniant des propos tenus dans le passé, en voulant les imposer par la violence, ici commence une certaine forme de totalitarisme.
Quand on n’a plus les mots, il reste hélas les poings ! L’aveuglement et l’apostasie peuvent mener au fanatisme. Nous devons espérer plus de calme et de sérénité dans le débat public et notre Président devrait montrer l’exemple…
Paul GUILLON