Dans cette période troublée par le vacarme des révoltes et des guerres, il existe encore des traditions qui apportent un peu de répit, de paix et de sérénité. La fête des mères, c’est l’occasion d’honorer celle qui nous a donné le jour, fait grandir la liberté, en chacune et chacun de nous. C’est aussi la joie de donner à la femme, l’honneur qui lui revient : « La femme est l’avenir de l’homme » comme l’écrivait si bien Louis ARAGON…
TRIBUNE: La « fête des mères », c’est plus de 2 500 ans d’histoire. Dans la Grèce antique, c’est la mère des dieux, Rhéa (ou Cybèle) que l’on fêtait au printemps. Puis du temps des Romains, au Vème siècle avant JC, on fêtait les femmes et les mères sous le nom de « matraliae », et on célébrait «mater matuta », la déesse de l’aube et de l’enfantement.
Le Moyen-Age connaît l’avènement de l’ère chrétienne, le mois de mai est décrété, « mois de Marie », pour consacrer Marie, mère de Jésus. Une tradition, réfutée par l’Eglise, propose de ne pas se marier durant tout ce mois…
Si l’idée de fêter les mères françaises a d'abord été évoquée par Napoléon Ier, elle ne voit le jour qu’à la fin du XIXe siècle. Après la défaite de 1870, la France connaît un regain de nationalisme, qui s’exprime notamment par le rejet du malthusianisme et une course à la natalité, certainement pour tenter de rattraper l’Empire allemand, cet ennemi si fécond. Plusieurs associations natalistes apparaissent dans le paysage politique français, dont certaines sont très proches des membres du gouvernement.
Un petit aperçu de l’historique…
L'une d’entre elles, baptisée « Alliance Nationale pour l’accroissement de la population de la France », use de son influence et développe une propagande efficace, qui passe par la célébration des mères et pères de familles nombreuses.
Notons que l’on doit la première célébration de la « fête des mères », au village d’Artas en Isère. Nous sommes en 1906 et un certain Prosper ROCHE organise une cérémonie festive en l’honneur des mères. Il remet le prix « du Haut Mérite Maternel » à deux mamans de neuf enfants !
Il faudra attendre le début du XXème siècle aux Etats-Unis, pour entendre le combat d’Ana-Marie JARVIS qui se bat pour que l’on consacre une journée nationale pour les mères. Sa revendication est née d’un déclic : elle apprend qu’elle ne pourra plus porter d’enfant après une grave opération. L’Allemagne adoptera cette fête en 1923 et le Royaume-Uni en 1917. En Angleterre, la fête s’appelle le « Mothering Sunday » et est célébrée le quatrième dimanche de carême. A cette occasion, chacun doit se rendre en famille dans son « église mère », c’est-à-dire l’église de son enfance.
Quand Philippe PETAIN politise le concept…
Lorsque les troupes américaines arrivent en France en avril 1917, la tradition du « Mother’s day », s’installe dans la culture française. A la suite de la Première Guerre mondiale, certaines villes françaises décident de rendre hommage aux femmes ayant perdu des enfants durant les combats. Par la suite, on fête les mères de familles nombreuses afin d’encourager les femmes à avoir davantage d’enfants. Le pays est exsangue et tant d’hommes sont morts au champ d’honneur.
En avril 1926, voyant l’importance que prend cette coutume, le gouvernement décide de créer officiellement une Journée nationale des mères de familles nombreuses. Cette fête représente un vrai pilier pour la politique nataliste en France, qui va même jusqu’à remettre des médailles de la Famille Française aux mères de plus de trois enfants.
Le maréchal Philippe PETAIN n’a fait que reprendre ce qui existait déjà, en lui donnant toutefois une tournure plus idéologique et conforme aux préceptes de l'État français. La journée des mères de familles nombreuses est fixée le 25 mai 1941, et prend une ampleur nationale et très solennelle.
La fête est, pour le régime de Vichy, un vrai symbole du triptyque « travail, famille, patrie » et présente une mère idéalisée qui incarne ces valeurs. C’est ainsi que la fête des mères en France, s’ancre dans les habitudes des Français. La Quatrième République fait le choix de ne pas s’en débarrasser. Au contraire, le président de la République Vincent AURIOL l’intègre à la loi du 24 mai 1950, qui démocratise cette fête sous la forme que l'on connaît aujourd'hui. C’est le Général Charles de GAULLE qui fixe la date de la « fête des mères » au dernier dimanche de mai.
La seule fête laïque qui soit aussi spirituelle !
N’oublions pas les mères qui ont perdu un enfant dans les combats en Israël, en Palestine, en Ukraine, en Russie ou ailleurs… Les mères des soldats français morts en Afrique ces dernières années et plus récemment, les mères de nos forces de l’ordre et agents de la pénitentiaire qui ont péri en France et en Nouvelle-Calédonie.
Personne n’a oublié les petits cadeaux personnels qui ont été précieusement gardés par leur maman : des colliers de nouilles, un pot de fleurs personnalisé, un cadre rempli de bonbons (qui va les manger ?), un cadre photos avec des bâtonnets de glace, un bouquet de pompons, un porte-savon avec le portrait de maman, un vide-poche en forme de main, des broderies... Et ces éternels poèmes d’enfants écrits parfois sous la houlette des institutrices ! Le tout, réalisé dans le plus grand secret… Alors oui : « bonne fête maman ! ». Et comme le disait Jean GASTALDI, « la fête des mères » est la seule fête laïque qui soit aussi spirituelle ».
France C.