En lice pour le second tour après les résultats de dimanche dernier, face au député sortant Daniel GRENON, la candidate du NFP dans la 1ère circonscription, Florence LOURY, a de nouveau réuni ses sympathisants au Silex, mercredi soir, appelant à la mobilisation la plus large possible pour faire barrage au Rassemblement National. Dans la salle, près de 400 personnes dont plusieurs soutiens venus d’horizons divers, au premier rang desquels le président de « Renaissance Yonne », Victor ALBRECHT, arrivé 3e au premier tour, qui a, sans ambiguïté aucune, appelé à voter pour la représentante du Nouveau Front Populaire.
AUXERRE : « Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines… ». Porté par la voix chaude et profonde de Gérard-André, le « Chant des Partisans » s’envole par-delà les cintres de la grande salle du Silex, donnant le ton à la soirée… Pour l’élue municipale d’opposition Sophie FEVRE, si les 33,14 % de suffrages remportés par la formation de Jordan BARDELLA confirment son rang de première force politique du pays, pas question de se résoudre à l’indicible : « on n’essaie pas l’extrême droite ! Dimanche, un seul parti, la France, un seul programme, la République ! ». Au fil des différentes interventions, les mêmes mots d’ordre : « rassembler, mobiliser, faire barrage », martelés tel un mantra, pour persister à croire que rien n’est joué et que tout reste possible.
Par-delà les interventions des représentants des différentes composantes du Nouveau Front Populaire, plusieurs jeunes se sont exprimés pour faire part de leurs colères, de leurs peurs mais aussi de leurs espoirs. Témoignages émouvants et salutaires, de la part de ceux à qui nous laissons un triste monde en héritage. Une jeunesse « plurielle et invisibilisée dans les discours politiques, ignorée, souvent délaissée et caricaturée », regrette la candidate dans leur présentation : « leur parole nous bouscule et nous oblige à être à la hauteur de leurs idéaux. Ne les décevons pas et offrons-leur un futur désirable… ».
Un point commun avec Victor ALBRECHT : la République !
Autre intervention attendue, celle du candidat macroniste Victor ALBRECHT, arrivé troisième dimanche dernier, qui sans aucun état d’âme s’est désisté en faveur de la candidate écologiste. Une position claire et sans conditions, devait-il souligner : « contrairement à certains concurrents du premier tour, je sais où est mon devoir… Si je suis avec vous ce soir, c’est que je crois profondément que ce qui nous sépare est insignifiant par rapport à ce qui nous différencie du RN… Nous avons en commun quelque chose de plus important, c’est la République, c’est de vouloir encore être fiers d’être Français dimanche soir… ». Tout en revendiquant envers et contre tout, un soutien sans faille à Emmanuel MACRON, ce qui lui a valu quelques sifflets et lazzis de certains, bien vite étouffés sous les applaudissements. Avec une dédicace personnelle au candidat sortant, Daniel GRENON, dont les propos recueillis la veille, dans le cadre d’un débat organisé par « L’Yonne Républicaine », ont soulevé l’indignation dans toute la classe politique : « un député fantôme absent depuis deux ans, qui n’a jamais porté aucun projet, ni localement, ni à l’Assemblée Nationale et qui a soudain révélé sa vraie nature….».
Nicolas SORET appelle à la mobilisation…
Venu en voisin, « un voisin défait mais un voisin débout », le maire de Joigny et vice-président du Conseil régional, Nicolas SORET, battu dimanche dernier dans le duel qui l’opposait à Julien ODOUL, a lui aussi apporté un soutien sans faille à Florence LOURY, usant de la maîtrise de l’art oratoire sans pareil qu’on lui connaît. Avec cette supplique à l’adresse des électeurs du RN, qu’il se refuse à diaboliser, persuadé de l’importance à entretenir le dialogue : « certains d’entre eux d’ailleurs, ont longtemps été nos compagnons de combat avant de basculer vers d’autres opinions et à celles et à ceux qui ont fait ce chemin, je veux leur dire : nous ne vous jugeons pas et nous retrouverons, mais n’oubliez pas ! Lisez ! Informez-vous ! Tentez de sortir du matraquage médiatique auquel on vous a livré… ». Un discours humaniste, « on n’arrive jamais plus haut en enfonçant son voisin », pour tenter de comprendre les raisons ayant conduit à ce qui paraissait hier encore relever de l’impossible : l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir : « je pense au plus profond de moi-même que nous portons chacune et chacun d’entre nous, une petite part de responsabilité de ce grand désastre, mais le moment n’est pas venu de faire le tri entre les petites lâchetés, les grands renoncements, les petits calculs et les grands reculs. L’heure est aujourd’hui à la mobilisation ! ».
Avec ce tacle à l’attention des Républicains et en particulier concernant Céline BÄHR, défaite dimanche dernier avec seulement 14,4 % des suffrages, partisane de la politique du « ni-ni » et refusant tout appel à voter pour la candidate du NFP : « lui rappeler qu’elle est l’héritière d’une famille politique qui a vu le président Chirac réélu parce que nous, peuple de gauche, l’avons aidé à l’être… ».
Rappelant aussi à l’attention des électeurs macronistes que par la suite, lors des deux dernières élections présidentielles, pareil soutien fut accordé à Emmanuel MACRON, « en sachant pertinemment que nous n’adhérions pas à son programme… ». D’ironiser également sur la position prise par Crescent MARAULT n’appelant pas à faire de choix entre les deux candidats restant en lice, pour cause de « crime de lèse-majesté », à savoir les entraves de la conseillère municipale d’opposition aux projets du maire, à l’image de celui concernant le camping : « Mais on s’en fout du camping ! Ce n’est pas le sujet le camping ! Le sujet, c’est la République, ce sont les droits, c’est l’égalité, c’est la liberté, c’est la fraternité ! ». Celui qui fut longtemps l’opposant principal au département, d’André VILLIERS, alors président du Conseil départemental, « je ne lui pardonnerai jamais d’avoir fermé Bienvenu-Martin », se fait fort aujourd’hui, d’appeler sans retenue aucune à le soutenir dans le combat qu’il mène lui aussi dans la deuxième circonscription, face à une candidate du RN « gougérisée » : « il m’a toujours respecté comme opposant, parce que c’est ça la démocratie, c’est ça la République, avoir encore la capacité de laisser parler ceux qui ne sont pas d’accord et c’est précisément ce que nous pouvons perdre dans quelques jours… ».
« Le vote vers le RN c’est logique, les gens sont déçus ! »
Figure emblématique de Puisaye-Forterre et maire de Saints, Jean MASSÉ le confesse : « c’est un exercice difficile de passer après de brillants orateurs ! Je n’ai rien préparé, j’ai fait comme Nicolas, je vais voir ce qu’ils vont dire et m’ajuster… ». Mais nul besoin de se forger un discours quand on parle avec le cœur. A bientôt 71 ans, intéressé par la chose politique depuis ses 16 ans, de gauche depuis toujours, Jean s’interroge : « est-ce qu’il ne faudrait pas un peu plus de « mayonnaise » entre la droite et la gauche pour contrer le RN ? Mettre un peu d’huile… ». Il se souvient de l’époque où le Front National ne dépassait pas les 3 % et a sa petite idée sur les origines de la percée de l’extrême droite dans les campagnes : « c’est parce que les gens sont déçus ! Bientôt plus d’agriculteurs, plus d’artisans, plus de commerçants, plus de service public, mais on va où ? C’est ça la vérité, c’est ça la campagne, pas de paysans, plus de vie ! ». Une désertification rurale source de tous les maux : « comment voulez-vous après, que les gens ne votent pas RN… ! ». Misant sur un sursaut de ses administrés pour empêcher Jordan BARDELLA d’arriver au pouvoir : « on croise les doigts ! ».
Un sentiment de déclassement partagé par Florence LOURY, dans son discours de conclusion, « lié au désengagement progressif de l’Etat dans ses missions de protection et de maillage territorial. Les souffrances s’expriment aujourd’hui dans le vote extrême avec un grand nombre d’habitants ayant perdu espoir dans ce monde déstabilisé… » Pour la candidate qui rêve de revanche face à son adversaire de 2022, l’heure n’est plus aux querelles partisanes, mais bien au rassemblement républicain : « ce qui hier n’était qu’une hypothèse farfelue est devenu dimanche dernier une réalité palpable… ». Avec là encore quelques mots doux à l’encontre du député sortant, « rhabillé » pour l’hiver : « absent à l’Assemblée comme dans sa circonscription, au bilan colossal de deux poteaux électriques implantés pendant son mandat ! Allez-vous laisser élire cet homme qui a montré son incapacité, son vrai visage raciste, au long de cette campagne ? ».Misant elle aussi sur un sursaut républicain de ses adversaires : « nous attendons qu’ils prennent leurs responsabilités et se montrent dignes de leur mandat. Nous les attendons dans le front républicain… ». Le message est passé !
Il y a une semaine, c’est par le chant de lutte « Bella ciao » que se ponctuait le premier meeting de campagne. Ce mercredi soir, c’est une Marseillaise énergique et résolue qui a réuni sur scène l’ensemble des intervenants de la soirée, entourés de militants. Dans les oreilles de la salle, résonnaient encore ces vers de l’hymne de la résistance, chantés quelques heures plus tôt par le barde et poète d’Etais-la-Sauvin : « il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves… ».
Dominique BERNERD