« Elections, piège à cons » ! Le vieux slogan soixante-huitard faisait son grand retour dimanche soir chez nombre de ténors de la vie politique, sonnés par un séisme qui sur l’échelle de Richter, dépassait de loin celui enregistré le 21 avril 2002. Avec 16 points de plus que le parti présidentiel, le Rassemblement National affirme son ancrage dans le paysage politique français, ravi d’avoir fait tomber Emmanuel MACRON dans le piège de la dissolution et fait basculer la soirée dans une autre dimension. « Soyez réaliste, demandez l’impossible » disait un autre slogan resté célèbre, mais depuis hier soir, on sait que l’avenir ouvre surtout le champ des possibles, comme de voir la droite extrême prendre les rênes de Matignon dans trois semaines…
HUMEUR : Ces dernières semaines, les sondages avaient donné la mesure et la soirée s’annonçait comme une « chronique de la défaite annoncée » pour la majorité présidentielle, avec pour seul enjeu, le fait de savoir si Raphaël GLUCKSMANN et sa liste « Parti socialiste/Place publique » allaient réussir à coiffer Valérie HAYER sur le poteau en montant sur le podium. Mais l’annonce d’une allocution en direct de l’Elysée, tombée peu avant 20 heures, allait créer l’ambiance, anxiogène pour certains, espérée pour d’autres.
Avec une implication dans la campagne sans pareil, Emmanuel MACRON était en droit d’être tenu comptable des résultats et du succès de Jordan BARDELLA qui, dans son allocution, semblait avoir déjà revêtu le costume de Premier Ministre et n’avait plus qu’à évoquer tout à la fois « un vent d’espérance, un chemin pour l’avenir, un désaveu cinglant et le jour 1 de l’après MACRON… ».
Plus de communistes à Bruxelles !
Dans les autres QG de campagne, l’urgence semblait être de donner le change et « sauver les meubles », comme François-Xavier BELLAMY, pour « Les Républicains», évoquant « un nouveau départ et un nouvel élan »… Rien de mieux que la méthode Coué pour se forger un destin national ! Même tonalité dans le discours de Sandrine ROUSSEAU chez les Verts, appelant à ne pas refaire l’erreur de la division « en laissant un boulevard au RN », appelant à la mobilisation générale et « à ne plus porter la radicalité, « projet contre projet ». Il faut que la gauche soit au rendez-vous pour créer la surprise… ».
La surprise étant, autre séisme de la soirée, que la députée d’Europe Ecologie Les Verts, abandonne toute idée de radicalité dans son discours ! Et dire qu’il représentât naguère, dans les scrutins d’après-guerre jusqu’à près de 30 % des voix ! Funeste soirée pour le Parti communiste de Fabien ROUSSEL et de sa tête de liste, Léon DEFFONTAINES qui, sous la barre des trois points et ne devançant la liste « Animaliste » que de 0,3 %, n’enverra pas de représentants à Bruxelles !
« Ne plus faire de conneries », l’appel de François RUFFIN
La France Insoumise savourant pour sa part ses 10 %, avec la satisfaction d’avoir su mobiliser les jeunes et les quartiers. Se présentant comme « combattant de l’Europe », Raphaël GLUCKSMANN se refuse à envisager l’accession du Rassemblement National au pouvoir, évoquant « une vague qui ébranle la démocratie… ». Mais avec quelles troupes repartir à la bataille des législatives ? Prêt à tendre la main, mais qu’en dira le grand marionnettiste de LFI qu’est Jean-Luc MELENCHON… ? Même si l’esprit libre qu’est François RUFFIN appelle « à ne plus faire de conneries », il n’est pas certain que trois semaines suffisent avant le 30 juin, à reconstruire une forme d’union, fut-elle appelée « Front populaire », sur les cendres de la NUPES…
Le résident de l’Elysée avait-il encore le choix ?
Si la dissolution est dans l’esprit de la Ve république, c’est la première fois dans l’histoire, qu’elle s’applique en prenant acte d’une défaite électorale. A des années lumières de la dissolution plébiscitaire décrétée par Charles de GAULLE en 1968, qui lui valut un triomphe après un mois de mai enregistré comme l’un des plus « chauds » que la France ait connu ! Mais que penser de cette décision annoncée à la France entière peu avant 21 heures, coup de dés dangereux pour certains, acte lucide et courageux pour d’autres… ?
Confronté à un vote sanction réceptacle de toutes les colères et toutes les frustrations, Emmanuel MACRON avait-il encore le choix ? Pour beaucoup d’observateurs de la chose politique, c’est un pari extrêmement dangereux, voire suicidaire…
On parle même de « roulette belge », (pardon à nos amis d’outre-Quiévrain !), avec six balles dans le barillet ! A moins que ce ne soit un coup de billard à trois bandes appelant à « l’Union nationale », comme ce fut le cas dans le passé, oubliant un peu vite que les « castors » sont fatigués de dresser des barrages pour ensuite être remisés aux oubliettes ! « No pasaran »… ! Mais comment faire quand « ils » sont déjà passés… ?
Dominique BERNERD