Dans un rapport publié le 30 septembre dernier, l’association AUBE dresse un état des lieux sans concession de la vie étudiante dans l’Auxerrois. Reposant sur une enquête menée auprès de 200 étudiants, ce document souligne des lacunes criantes en matière de logement, de restauration, d’inégalités sociales et appelle à une mobilisation urgente des acteurs publics.
AUXERRE : Créée en septembre 2024, l’association AUBE (Auxerre Unis pour nos Besoins et nos Envies) s’est imposée en moins d’un an comme un acteur majeur de la solidarité jeunesse dans l’Auxerrois, avec à son actif, plus de 800 jeunes bénéficiaires depuis l’automne dernier. Mais l’association présidée par Emmanuel BRONDEL ne se limite pas à l’aide d’urgence, s’engageant dans le même temps sur le terrain de la réflexion et du plaidoyer. Révélé le 30 septembre dernier à la Maison du Bâtiment, devant un large parterre, parmi lesquels de nombreux élus ou représentants de formations politiques, son « Rapport 2025 sur la vie étudiante à Auxerre » en est un premier jalon : une enquête menée auprès de 200 étudiants de l’Université de Bourgogne Europe à Auxerre, soit près de 19 % de ses effectifs et environ 6 % des étudiants auxerrois. Une base modeste mais révélatrice, selon l’association, des besoins structurels auxquels il est urgent de répondre.
Une jeunesse nombreuse mais sous-considérée et oubliée
Souvent qualifiée de « belle endormie » à la population vieillissante, on oublie souvent qu’Auxerre est une ville jeune, rappelle Emmanuel BRONDEL dans ses propos introductifs : « saviez-vous que plus de 30 % de la population auxerroise a moins de 30 ans ? Qu’il y a plus de 12 000 jeunes de 16 à 25 ans dans toute l’agglomération, soit 37 % de cette tranche d’âge pour le département ? ».
Une vitalité qui peine malgré tout à se traduire dans les politiques locales, alors que la ville préfecture, avec 3 300 étudiants, pour 71 formations sur dix sites différents, concentre pourtant l’essentiel de l’enseignement supérieur du territoire icaunais. Auxerre étant de fait l’épicentre de la vie étudiante dans l’Yonne, mais sans toutes les infrastructures qui devraient accompagner ce statut. L’un des principaux constats concerne la pénurie de logements étudiants. Même en tenant compte des étudiants habitant chez leurs parents (85 % selon l’INSEE), 322 logements manqueraient pour couvrir les besoins des étudiants restants. Si un projet de résidence étudiante avec 150 chambres est à l’étude, porté par la municipalité et l’OAH (Office Auxerrois de l’Habitat), son directeur général, Éric CAMPOY, qui intervenait lors de la seconde table ronde de la soirée, se veut réaliste : « on a aujourd’hui environ quarante étudiants en recherche d’un logement, pour lesquels il n’y a pas de solution alors qu’en tant que bailleur social, on a vocation à loger toutes les personnes ayant besoin de trouver un toit. Le problème étant que nous avons très peu de logements qui se libèrent et très peu de typologie correspondant aux besoins des étudiants… ».
Le délicat problème de la restauration étudiante à Auxerre
Logement, restauration, aides sociales : le compte n’y est pas. Pointé du doigt également, le désengagement du CROUS qui, en 2009, sous-louait 112 logements à Auxerre, contre 62 seulement aujourd’hui, malgré un taux d’occupation de 100 %. Aucun hébergement d’urgence n’étant prévu pour les jeunes en situation de grande précarité, alerte Emmanuel BRONDEL, citant le cas de deux étudiantes qui, l’an dernier, faute de toit et de moyens de s’alimenter, étaient hébergées et nourries par les équipes éducatives.
Principal acteur de la vie et de la solidarité étudiante, le CROUS est également accusé d’engendrer des disparités entre les étudiants à l’université ou en BTS. Ces derniers, bien que soumis à « ParcourSup », « ont un statut bâtard entre Education nationale et enseignement supérieur, qui ne leur permet pas de bénéficier des mêmes services ni des mêmes droits… ».
Le rapport met également en lumière les limites du système de restauration. Auxerre ne dispose que d’un seul espace conventionné avec le CROUS, situé sur le site de l’IUT. Bien que théoriquement ouvert à tous, il reste inaccessible aux étudiants des autres sites (INSPE, IFSI), en raison des temps de trajet et des horaires inadaptés. Avec pour conséquence, à peine 26 repas CROUS servis par an et par étudiant. La création d’un restaurant universitaire en centre-ville est évoquée, afin de permettre à tous les étudiants, y compris les BTS, d’accéder à une offre de restauration à tarif social.
Un appel à la mobilisation collective
Depuis sa création, AUBE a organisé six distributions sur les campus de l’Université de Bourgogne Europe. Produits alimentaires, d’hygiène, fournitures scolaires ou protections menstruelles ont été remis à plus de 750 jeunes dont 650 étudiants. Malgré cet engagement, l’association déplore le manque de coordination entre acteurs publics et privés, ainsi qu’une faible reconnaissance institutionnelle de ses actions, appelant à la création d’un Pôle jeunesse centralisé à Auxerre, à proximité du centre-ville, afin de regrouper services, information, accompagnement et lieux de vie.
AUBE alerte également sur l’absence de dispositifs de soutien locaux spécifiques, suggérant de s’inspirer de la ville de Chenôve, qui propose une bourse municipale conditionnée à une résidence de deux ans. A Auxerre, un tel dispositif pourrait s’accompagner d’une distribution en « cagnole », la monnaie locale, afin de réinjecter ces aides dans l’économie du territoire, suggère Antoine ROUGER, coordinateur de l’association « SoliCagnole » : « donnant ainsi accès à une alimentation biologique et locale, qui aiderait les producteurs locaux engagés dans des principes vertueux, de sortir eux aussi de la précarité… ».
Bien plus qu’un simple document, ce rapport 2025 se veut cri d’alerte et manifeste pour une jeunesse auxerroise trop souvent oubliée. Auxerre a les moyens de devenir une vraie ville étudiante, à condition d’en faire une priorité politique. Un message que l’association entend bien rappeler le moment venu à l’ensemble des candidats aux municipales 2026. Bien décidée à donner tort à François MAURIAC, lui qui un jour a écrit : « la jeunesse n’a pas d’avenir » !
Dominique BERNERD