Le dirigeant d’entreprise est-il une espèce en voie de disparition ? On peut raisonnablement se poser la question dans cette France du XXIème siècle quand on entend et on lit toute sorte de chose sur les affres et les pressions subies par cette catégorie socio-professionnelle depuis si longtemps, qui elle, ne prend jamais le temps de descendre dans la rue pour manifester, banderoles et drapeaux à la main dès que l’occasion se présente !
D’ailleurs, par dirigeant d’entreprise, il faut naturellement éliminer de ces propos qui vont suivre les patrons des grandes multinationales flirtant avec les milliards d’euros de résultats et un train de vie somptuaire, qui vivent sur une autre planète, à des années-lumière de la réalité quotidienne et des vicissitudes constantes d’un artisan, d’un commerçant, d’un exploitant agricole, d’un indépendant, d’un patron de PME/PMI, d’un auto-entrepreneur…
Des personnes qui souffrent de leur isolement, de leurs craintes de faire tourner convenablement en y garantissant les emplois et le carnet de commande leur entreprise confrontée à la dure réalité du monde économique, institutionnel et politique d’aujourd’hui en proie à une parfaite déliquescence morale et humaine. Des personnes qui sont parfois obligées de mettre la clé sous le paillasson en passant par la case du dépôt de bilan et de faillite…
Les temps changent, nous y voilà !
Les temps changent avaient annoncé de manière prémonitoire le chanteur américain Bob DYLAN au début des années 60, nous y voilà cette fois-ci, et dans le dur. Le très dur, même pour ces femmes et ces hommes ayant choisi de porter sur les fonts baptismaux de la création une entreprise qui aujourd’hui doit faire face à la succession de crises depuis le début de cette décennie.
Quand ce n’est pas la crise sanitaire imputable à la COVID et à ses confinements répétitifs (malgré des prêts garantis par l’Etat qu’il aura bien fallu rembourser in fine et qui ont endetté un peu plus le pays !), c’est au tour des soubresauts belliqueux de la guerre et de ses incertitudes de frapper de plein fouet ces boîtes parfois familiales qui ne savent plus où donner de la tête afin de conserver le cap et ses objectifs. Et naturellement sa trésorerie !
Tout cela, c’était avant les droits de douane à la hausse exacerbée en provenance des Etats-Unis et de son président adepte de la guerre économique en tout genre, les dérives administratives de cette France de la bureaucratie qui exigent toujours plus en charges et en impôts en ne donnant rien en contrepartie si ce n’est le droit de payer et de se taire, les difficultés notoires pour espérer des recrutements de qualité quand on parvient à sélectionner l’oiseau rare, la présence concurrentielle forte et agressive des pays émergents, l’effondrement des valeurs dans la filière travail, les crises énergétiques et les effets du réchauffement climatique que seuls les climato-sceptiques ne constatent toujours pas par pure démagogie, etc. etc.
Les temps changent, disons-nous ? Oui ! Totalement pour celles et ceux qui créent de l’emploi et nourrissent au quotidien des millions de collaboratrices et collaborateurs en France. Ne comptant pas leurs heures de présence sur leur lieu de travail !
Des chiffres alarmistes sur l’état de santé des dirigeants
Pour la première fois, et c’est un exemple qui se veut probant, l’UIMM (Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie) et le MEDEF – c’était le cas cette semaine dans l’Yonne mais sans doute cette thématique est-elle sujette à interrogation partout dans l’Hexagone -) ont effectué leur grande rentrée économique de début de saison par un colloque consacré…à la santé mentale du dirigeant. Une santé mentale, physique et psychologique, voire financière pour certains tellement préoccupante qu’il aurait été inconvenant de ne pas en parler ouvertement alors que d’autres descendent dans la rue, pour préserver leurs acquis !
Bien sûr qu’ils ont raison ! Mais, qui se soucie réellement de l’état de santé de ces entreprises, de ces dirigeants dont on ne connaît pas exactement le parcours du combattant pour finir tout droit dans le mur, celui du burn-out, de l’AVC ou du suicide ? Dans leur cas, le parachute France Travail n’existe pas !
Les chiffres sont alarmistes sur l’état de santé de nos dirigeants en 2025 : un sur trois, soit 82 % selon le dernier baromètre de la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et de BPI France Le Lab, déclarent souffrir de troubles physiques ou psychologiques. Un chiffre qui est en hausse de 23 % depuis 2021 !
Un constat sans appel qui traduit bien que la France qui travaille, tant en haut qu’en bas de l’échelle, n'en peut plus de cette situation aux multiples causes. La santé globale des dirigeants de société se détériore fortement et il est important que des organismes aussi représentatifs et puissants que peuvent l’être l’UIMM et le MEDEF l’évoquent ouvertement et sans fard, à grands coups de témoignages sans pathos mais fortement émotionnels, lors de rencontres publiques où chacun est en droit de s’interroger.
Les troubles du sommeil, les douleurs articulaires, les maux de dos, le mal-être sont les auxiliaires de vie au quotidien de ces chefs d’entreprise qui ne voient pas le bout du tunnel depuis un long moment. Ne parlons pas de celles et de ceux qui se gavent de pilules pour tenir le coup !
A titre d’exemple, la Bourgogne Franche-Comté de l’entrepreneuriat a perdu pas moins de 2 074 entrepreneurs en 2024, des incubateurs d’idées dans l’obligation de déposer les armes devant un tribunal de commerce. 70 % de ces dirigeants estiment que leur santé mentale impacte sur les résultats de leurs entreprises. On le savait depuis pas mal de temps la France de l’économie va mal. Cause nationale du gouvernement (lequel ?!), la santé mentale s’invite désormais chaque jour dans les débats, en rappelant que l’homme n’est pas une machine. Une chose est sûre : les dirigeants d’entreprise sont en très grand danger existentiel dans ce pays si rien n’est fait pour améliorer leur sort…
Thierry BRET