Parce que l’égalité des chances le vaut bien : la Résidence Sociale pour Jeunes entre doutes et espoirs pour l’équilibre de son budget
Le bâtiment est connu de tous à Auxerre. Un point de repère bien identifié dans le milieu de l’emploi comme un phare éclairant la boussole des jeunes générations se projetant dans le milieu du travail, une fois les études terminées pour celles et ceux qui ont eu la chance d’en faire. Autrefois, Foyer des Jeunes Travailleurs, la structure est devenue – elle est d’ailleurs la seule et unique sur notre territoire à se prévaloir de ce titre – une « Résidence Sociale pour Jeunes ». Si l’établissement fonctionne de manière correcte, dixit son directeur Marc PICOT, avec son taux d’occupation qui tutoie les 95 % à l’année, l’entité, en revanche, s’inquiète de l’avenir, au niveau de ses finances très incertaines. Surtout après les coupes sombres dans le budget, imputables aux décisions du Conseil départemental, à hauteur de 70 000 euros, et de la Ville d’Auxerre…
AUXERRE : Ce serait presque la rançon du succès au sein de la Résidence Sociale pour les Jeunes auxerroise, la RSJ, comme il sera de bon ton de la nommer désormais, en lieu et place de FJT, pour « Foyer des Jeunes Travailleurs ». Parfois, les responsables de ce complexe ayant pour vocation d’accueillir en son sein les jeunes gens âgés de 16 à 25 ans dans l’emploi ou en phase de l’être selon leurs statuts, sont dans l’obligation de refuser des demandes d’hébergement, faute de chambres libres. Pourtant, le site idéalement bien placé non loin de la salle Vaulabelle et de son positionnement central à Auxerre près des axes commerçants propose une offre de services composée de 143 chambres. Ce qui lui permet de recevoir plus de quatre cents jeunes à l’année.
Le cadre, décoré aux couleurs de Noël, est plutôt sympathique. Aux côtés de son président, Rémi PROU-MELINE, le directeur de la structure, Marc PICOT, justifie l’invitation faite à la presse de ce jour. « Nous souhaitons dorénavant effectuer des rencontres régulières avec les médias afin de faire un état des lieux de notre feuille de route opérationnelle, explique-t-il en substance, remettant aux journalistes une pochette jaune contenant des tableaux de courbes et de statistiques. Sur l’une de ces feuilles, le bilan 2024 de la restauration, assurée sur place par une équipe de professionnels.
« A fin novembre, souligne Marc PICOT, nous avons déjà servi vingt mille repas, ce qui est à peu près équivalent à l’année antérieure. On la considérait déjà comme une année de haute fréquentation. Donc, on peut dire que notre service restauration fonctionne très correctement… ».
Un AMI en attente pour le mois de janvier
Toutefois, un bémol existe : la baisse importante du nombre de repas servis au cours de l’été. Marc PICOT, pédagogue, apporte des explications fouillées : « Nous étions liés avec l’Etat à un AMI (Appel à Manifestation d’Intérêt) qui s’appelait « Jeunes en rupture » où un certain nombre de repas était prévu. Cet appel s’est achevé en juin et par conséquence les repas n’ont plus été comptabilisés dans nos données, fort logiquement… ».
Mais, très vite, le directeur de la résidence aborda la faiblesse économique qui perturbe les gestionnaires de l’établissement. Notamment en s’appuyant en le démontrant sur l’aspect très aléatoire des sources de financement des AMI, ces Appels à Manifestation d’Intérêt, à condition qu’ils soient retenus.
« Nous sommes dans l’attente d’une réponse à candidature d’un AMI qui, je le rappelle, est limitée dans le temps à trois ans… ».
Un bonus supplémentaire pour mettre du beurre dans les épinards budgétaires de la structure, certes, mais beaucoup trop focalisé sur l’aspect aléatoire du système, selon Marc PICOT.
Quant aux locations de salle, entre 2023 et 2024, permises sur le site, elles auront engendré des revenus complémentaires.
« Globalement, ajoute l’interlocuteur, le site fonctionne bien. Il offre l’opportunité avec des conventions d’Etat de proposer de l’hébergement d’urgence, soit un total de huit places, occupées à 100 % toute l’année… ».
Des indicateurs positifs sur quasiment toutes les lignes du mode opérationnel, ce qui satisfait amplement le duo de responsables aux manettes de la fameuse maison depuis plusieurs mois.
L’étiolement des subventions et la recherche de solutions
Alors, la mariée est-elle trop belle dans cette histoire qui flirterait presque avec une romance idyllique entre ce système d’accueil et ses occupants ?
« Malheureusement, précise un brin amer, Marc PICOT, il y a un sérieux point négatif dans cette photographie ! Ce sont les subventions qui s’étiolent et de manière plus générale, le modèle économique... ».
Une problématique observée par les instances nationales et régionales qui régissent l’existence et le devenir des Résidences Sociales pour Jeunes en France.
« On est obligé désormais de s’appuyer sur les Appels à manifestation d’intérêt (AMI) et de compter sur les collectivités territoriales, celles de proximité en l’occurrence. Or, c’est là que le bât blesse en ce qui nous concerne, insiste Marc PICOT.
En effet, en octobre 2024, a été annoncée la suppression de la subvention annuelle de 70 000 euros du Conseil départemental de l’Yonne, subvention attribuée pour l’année en cours.
« Cette somme correspond à 5 % de notre budget de fonctionnement, stipule le directeur du site, mais en deux ans, on a perdu près de 80 000 euros de subventions avec la Ville d’Auxerre qui a également supprimé son enveloppe de 8 000 euros. Fort de cela, il va nous falloir repenser notre modèle économique pour retrouver un vrai équilibre… ».
Un blanc lors de cet échange. Histoire de faire reposer les sédiments de cette information dure à digérer quand on se projette vers l’avenir.
Pourtant, Marc PICOT se veut pragmatique mais déterminé : « L’un de nos partenaires, la CAF (Caisse des Allocations Familiales) a décidé de manière exceptionnelle de nous octroyer une subvention de 45 500 euros en 2024 dans le cadre du partenariat que nous avons avec elle… ».
Des partenaires qui poussent la Résidence et ses décideurs vers l’exigence en manifestant leurs soutiens.
La non-reconduction d’un contrat à durée déterminée à l’automne
Deuxième intervention, celle de l’Etat. « L’appareil étatique nous soutient dans ses financements notamment avec l’hébergement d’urgence, rappelle Marc PICOT, en outre, la réponse attendue de l’AMI en janvier s’avère très importante car elle sécuriserait notre budget pour l’année prochaine… ».
Partant sur l’adage, jamais deux sans trois, un autre partenaire suit avec beaucoup d’intérêt la feuille de route stratégique de l’établissement : il s’agit de la Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche-Comté.
« Il y a beaucoup de constance dans leur intervention, signale l’orateur, l’établissement bancaire comprend notre situation dans une logique bienveillante… ».
Nonobstant, afin de surfer au-dessus de la vague de ce contexte financier délicat à appréhender, la Résidence Sociale pour Jeunes de l’Yonne a dû prendre deux décisions essentielles en cours d’année afin de préserver l’équilibre de son budget.
« Il y a eu en effet la non-reconduction d’un CDD fin novembre 2024 afin de réduire la masse salariale, observe Marc PICOT, mais on a joué également sur notre trésorerie pour essayer de passer 2024 et 2025 du mieux possible financièrement… ».
La présence de partenaires experts pour valider la feuille de route
Toutefois, la question de l’avenir à long terme reste posée dans les esprits de Rémi PROU-MELINE et de Marc PICOT dans une logique d’égalité des chances des jeunes générations à pouvoir réaliser leurs stages de formation ou leurs parcours d’intégration dans la vie active en bénéficiant de logements qui leur soient faciles à l’accès. Deux organismes confortent les choix stratégiques du binôme qui pilote l’entité de l’Yonne : la Fédération départementale des Foyers Ruraux de l’Yonne avec laquelle il existe un dispositif local d’accompagnement des associations et Bourgogne Active, structure financée par la Région, qui offre une expertise financière poussée. Ces deux partenaires sont également susceptibles de pouvoir apporter des réponses appropriées avec des prêts à taux zéro ou des garanties d’emprunt. En janvier, Bourgogne Active et la Fédération départementale des Foyers Ruraux livreront leurs préconisations, à l’aube de l’exercice 2025.
Un véritable écosystème qui va donc œuvrer dans l’intérêt de l’établissement d’Auxerre afin de lui garantir sa pérennité budgétaire. En serrant les boulons, il s’agira d’adopter toute une série de mesures qui pourrait être profitable aux décisionnaires de la Résidence auxerroise pour équilibrer un budget 2025 établi à 1,3 million d’euros. Un équilibre certes précaire mais ô combien nécessaire pour que vivent les missions quasi régaliennes de cet établissement au service des jeunes gens en devenir dans la vie active. Parce que l’égalité des chances le vaut bien !
Thierry BRET