Des mots de paix pour se souvenir… : la « Libre Pensée » et les forces de gauche appellent au devoir de vigilance
Dans une France qui compte 36 000 communes, rares sont les monuments aux morts avec des messages pacifistes inscrits dans la pierre, refusant de glorifier la Première Guerre mondiale. Celui de Gy-l’Évêque fait partie de ceux-là et se distingue par deux inscriptions gravées en 1923, appelant à faire la « Guerre à la guerre » et à maintenir la « Paix entre tous les peuples ». Pour la 29ème année consécutive, la « Libre Pensée » de l’Yonne a rendu hommage en marge des cérémonies officielles du 11 Novembre, à tous ces « fusillés pour l’exemple de de 14-18 » et réclamé leur réhabilitation collective, dénonçant « les barbaries militaires, impérialistes et religieuses » qui marquent l’Histoire, encore aujourd’hui.
GY-L’EVEQUE : Près de 1,4 million de soldats Français sont tombés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, un poilu sur quatre ! Une hécatombe dont le sacrifice est rappelé sur les quelques 35 000 monuments aux morts érigés à partir de 1920, cicatrices minérales de l’Histoire, glorifiant pour la plupart tous ces « héros morts pour la patrie ». Révulsée par la disparition de 23 enfants de la commune, la municipalité de Gy-L’Évêque fit le choix en 1923, contre l’avis du préfet d’alors, d’inscrire sur le monument érigé au centre du village, deux messages de paix contrastant avec les inscriptions habituelles. Un siècle plus tard, ils sont toujours là et sont l’occasion chaque année d’un rassemblement pacifiste sous l’égide de la « Libre Pensée » de l’Yonne, au croisement de l’Histoire et de l’actualité mortifère et guerrière qui fait notre quotidien.
« Demandez-vous, belle jeunesse, pourquoi ont-ils tué Jaurès…? ». Une interrogation empruntée à Jacques BREL dont Jean-Noël GUENARD, président de la « Libre Pensée » de l’Yonne s’est inspiré pour introduire son discours, devant une centaine de personnes rassemblées, pour certaines, sous les couleurs d’associations militantes ou de partis de gauche dans ses multiples composantes. Rappelant que le grand tribun socialiste avait été tué, « pour que des gens qui ne se connaissaient pas, se massacrent pour le plus grand profit de banquiers et de barons de l’industrie qui eux, se connaissaient fort bien mais ne se massacraient pas… ».
Le devoir de mémoire : à pratiquer chaque année…
Une synthèse pertinente en quelques mots, de ce que fut la « Grande Guerre ». Une époque où l’esprit patriotique allait parfois jusqu’à l’absurde, comme en témoigne cet article paru dans le quotidien « L’Intransigeant », « affirmant que les balles allemandes étaient inoffensives, ne faisant que traverser le corps des soldats français sans causer aucun dégât… » ! Comme de tradition, Jean-Noël GUENARD a rendu un hommage appuyé à tous ces « fusillés pour l’exemple », « victimes de parodies de justice organisées par les tribunaux militaires d’exception et fusillés devant leurs propres camarades… ».
Un devoir de mémoire auquel s’est attelé depuis longtemps la « Libre Pensée », regrettant au passage cette « trahison des partis socialistes » d’alors, qui dans un même élan, « se ‘rallièrent à l’union sacrée des goupillons et des coffres-forts ! », avec des députés qui à de rares exceptions, votèrent pour les crédits de guerre.
Les crises actuelles dans toutes les mémoires
Conflit israélo palestinien, guerre en Ukraine, menaces en mer de Chine, guerre au Yémen… Le monde n’a pas su tirer de leçons de l’Histoire et le risque d’embrasement pesant aujourd’hui sur la planète est réel, un message que nombre d’intervenants ont relayé dans leurs propos, à l’image de l’ancien maire de Migennes, François MEYROUNE, sous la bannière de l’association « France Palestine Solidarité », appelant à un « cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza » et refusant tout amalgame, « ce signe égal que l’on met entre le soutien de la Palestine et l’antisémitisme est insupportable ! ».
Même tonalité dans les mots d’Adrien PROVENCE, pour les Insoumis auxerrois : « un devoir de vigilance s’impose, des peuples entiers paient le prix de rivalités géopolitiques entraînant le monde dans une escalade dramatique… ».
Pour Mani CAMBEFORT (PS), cette commémoration à Gy-L’Evêque n’est pas seulement tournée vers le passé mais aussi vers l’avenir : « nous ne sommes pas seulement la garde des morts, mais sommes avant tout des sentinelles du vivant… ».
Avant de ponctuer son discours d’un clin d’œil à celui qui a désormais le sort des Etats-Unis et du monde entre les mains : « Make the peace great again » !
Quelques klaxons se font entendre sans que l’on sache s’ils sont une marque d’hostilité au rassemblement ou un signe de soutien… L’ami Gérard-André fait chanter Aragon, sous un ciel menaçant où les premières gouttes finissent par percer…
« Ils ont tenu quatre ans dans l’horreur des tranchées, ce n’est pas un peu de pluie qui va nous effrayer ! ».
Il pleut sur Gy-L’Évêque en ce gris après-midi de novembre, comme il pleuvait sur Brest dans le poème de PREVERT…
« Rappelle-toi Barbara, quelle connerie la guerre » !
Dominique BERNERD