Il a pris une certaine assurance dans l’exercice oratoire, le président de la coopérative agricole régionale de 110 Bourgogne ! C’est donc un Walter HURE dans une forme resplendissante au niveau de la volubilité et des arguments qui a pris durant une vingtaine de minutes le temps de tirer les enseignements de la rencontre publique, concoctée par l’entité rassemblant bon nombre de céréaliers et d’éleveurs de notre contrée géographique. Face à un parterre très représentatif de la filière agri/viticole, l’orateur a donné sa vision du contexte actuel. Sans langue de bois…
AUXERRE : Debout, face à une forte assistance composée de professionnels de l’agriculture et de la viticulture territoriale, la main gauche rivée au fond de la poche de son pantalon, la droite tenant fermement le micro, Walter HURE déroule le fil de ses pensées, faites d’analyses et de commentaires autour de la situation de la filière. A l’aise dans l’exercice – le temps d’une relative timidité lors de l’exercice précédent est désormais loin derrière lui -, le président de la puissante coopérative régionale prend soin de conclure une réunion publique bien ciselée au niveau de son déroulement, sans fausses notes ni polémiques aucunes. On n’était pas là pour ça !
Vêtu de son costume sombre et d’une chemise blanche reflétant bien la lumière des projecteurs du Parc des expositions auxerrois, le dirigeant se sera présenté par deux fois aux côtés du pupitre installé sur l’estrade, sans jamais vraiment s’y « accrocher ». Lors de l’ouverture de cette réunion publique qui avait l’apparence d’une assemblée générale mais qui n’en n’était pas une à la manière d’une célèbre boisson qui possédait le goût, la texture et la couleur d’un fameux breuvage ; puis, à son terme après la présentation de l’activité 2023 assurée par le directeur de la coopérative, l’excellent Jean-Marc KREBS, toujours précis dans le contenu de ses informations, et le rapport financier assuré par le trésorier, devant faire valoir ses droits à une retraite amplement méritée.
La souveraineté alimentaire et son manque de visibilité
Saupoudrant son intervention de zestes d’humour, Walter HURE fit référence au célèbre film « Un jour sans fin » pour qualifier la conjoncture du moment. « On n’est pas dans une fiction, expliqua-t-il, mais le terme le plus approprié pour parler de ce qui s’est passé depuis octobre 2023 c’est un « automne sans fin » ! Il a plu tout le temps ou presque ! Soit le double de la pluviométrie un peu partout dans notre secteur, chose qui n’était jamais arrivée notamment en 2016, 2020 et 2024. Des années avec des campagnes de récoltes exécrables… ».
Une année 2024 qui retiendra l’intérêt du président de 110 Bourgogne, « avec sa qualité de récoltes d’été plutôt dégradée notamment sur les blés ». La suite logique fut constatée avec la moisson d’automne avec 90 % des tournesols récoltés à passer directement au séchoir, à l’instar du maïs. Des séchoirs toujours opérationnels au moment où se rédigent ces lignes.
« Globalement, on a presque terminé la collecte d’automne, continua Walter HURE, mais il manque un tiers de la récolte de tournesols cette année. Non, la bonne surprise vient du maïs. Avec toutefois un bémol : le séchage. Engendrant des coûts de gaz exorbitants en ce moment… ».
Une fois le focus fait sur les moissons de l’année, l’orateur aborda dans un second temps les enjeux de la filière agricole. Notamment, la souveraineté alimentaire, le grand dada de la corporation.
« L’Europe parle constamment de la souveraineté alimentaire mais nous manquons beaucoup de visibilité sur ce sujet, observe Walter HURE, n’oublions qu’il existe de nombreuses réglementations qui sont bien différentes de ce qui se passe ailleurs dans le monde. A l’exemple des accords du MERCOSUR – ils lient le continent européen au marché des pays sud-américains – qui vont amener de nouvelles importations de produits vers l’Europe avec des normes de production bien différentes de ce que nous réalisons ici… ».
Où il est question de produire plus de noisettes !
Une impasse complète pour Walter HURE qui s’en amuse quelque peu lors de son intervention : « cela va impacter un peu plus l’image de la France qui est déjà la risée du monde avec sa crise politique ! ».
A ce propos, Walter HURE espère que la stabilité va revenir très vite dans l’Hexagone après l’épisode de la censure au gouvernement. « Tout cela remet en question nos objectifs en l’absence d’un budget… ».
Naturellement, le changement climatique ne fut pas occulté des réflexions de l’intervenant présent sur l’estrade d’AUXERREXPO. « Une année de pluie, on n’avait vu cela ! Il nous faut réinventer quelque chose pour assurer la pérennité de nos exploitations. Par exemple, ce que l’on a commencé de lancer auprès de nos adhérents c’est l’agronomie et la vie du sol. On a beaucoup de méconnaissances à ce propos : il faut gagner en performance au niveau de nos sols grâce aux experts de 110 Bourgogne qui ont été formés en ce sens… ».
Stocker du carbone et « décarboner » dans les exploitations représentent une autre possibilité à ne pas négliger pour le président de la coopérative. « Ce sont des projets à envisager pour demain… ».
Quant aux différentes entreprises du groupe – 110 Vignes, GAMM Vert -, il s’agira de s’inscrire dans la conquête, voire la reconquête, de nouvelles parts de marché avec les valeurs inculquées par la coopérative et dans les principes d’équité. C’est le cas notamment dans la Nièvre où de nouveaux GAMM Vert ont été repris par la structure coopérative. Quant à 110 Vignes, l’entité continue de progresser en termes d’activités sur sa zone de chalandise (Chablis et Auxerre) ; il en est de même pour SOREAL et son usine de nutrition animale qui est fonctionnelle à Joigny.
Walter HURE se projeta ensuite vers le futur, détaillant les projets déjà mis en place et ceux qui devraient voir le jour dans le souci de diversifier les activités du groupe.
A titre d’exemple, la production de noisettes.
« On en a déjà parlé l’année dernière, constate l’orateur, petit rappel : on ne fait pas de noisettes sans la ressource en eau ! Or, celle-ci peut subvenir aux besoins de la production en effectuant du pompage à la source pour ceux qui sont déjà équipés ou la création de retenues. Aujourd’hui, une quinzaine de dossiers nous sont parvenus au titre de l’étude de faisabilité. Un verger de noisettes devient productif au bout de cinq ans et c’est donc un travail sur du temps long. Mais, l’enjeu économique est de taille car les noisetiers sont plantés pour trente à cinquante ans et font de cette spécificité une valeur pérenne… ».
L’avenir de l’agriculture passe par le chanvre et le paillage
Autre culture dans le viseur du président de 110 Bourgogne : le chanvre. « Cette année, du fait des conditions météorologiques, ce fut une galère sans nom pour aller récolter le chanvre, plaisanta Walter HURE, outre les soucis climatiques, il y a eu aussi les soucis mécaniques de notre prestataire de service proposant la moisson du chanvre ! C’est un dossier un peu compliqué cette saison ! ».
Cela n’empêchera nullement l’orateur de saluer la présence au troisième rang du patron de la société GEOCHANVRE, Frédéric ROURE. Un projet de construction de filière, porté par SeineYonne (la structure regroupe 110 Bourgogne et YNOVAE) est en train de voir le jour. « Nous nous concentrerions uniquement sur la paille de chanvre, ajouta Walter HURE, avec des récoltes débutant à la mi-août sans se soucier de la graine et de libérer les champs plus tôt. Ce projet verrait le jour sur le second semestre 2026… ».
Un paillage de chanvre utile pour couvrir les parterres des collectivités ou les pieds de vigne en vue de les protéger. Autre projet dans les cartons : l’agroforesterie, actuellement en phase de test. Deux sites accueillent des expériences tant en Côte d’Or que dans l’Yonne. L’idée à terme serait de concevoir des plaquettes de bois destinées aux chaufferies collectives.
Enfin, la réflexion d’introduire des cultures exotiques dans la zone 110 Bourgogne fait son petit bonhomme de chemin. Notamment, le chia, le millet, le sésame, la courge à huile et le lin jaune. Des cultures de niche plutôt tendance au niveau de la consommation alimentaire.
Au-delà des nombreux projets, Walter HURE a présenté des pistes intéressantes de potentiels débouchés novateurs permettant aux adhérents de la coopérative mais aussi de ceux d’YNOVAE par ricochet de diversifier un maximum leurs activités agricoles afin de faire face à une conjoncture économique complexe. Il devait terminer son propos en annonçant l’arrivée d’une nouvelle entité, « TBG », Terres Bocages Gâtinais, au sein de la coopérative régionale. Un ajout qui sera réellement effectif au 01er juillet 2025 pour la partie commercialisation dans un premier temps.
Le prélude à de nouvelles associations plus performantes tout en les mutualisant à venir !
Une petite intervention ayant pour objectif de redonner de la motivation aux adhérents de la coopérative. Au vu des projets développés par Walter HURE, qui ne pratique pas pourtant la méthode Coué, c’est fait !
Thierry BRET