Il est rarissime que les sapeurs-pompiers de l’Yonne déambulent dans les rues d’Auxerre lors d’une marche revendicative. Pourtant, l’évènement est survenu il y a quelques jours, au début du mois de juin, sous une pluie battante, du côté de la préfecture. A l’appel de quatre syndicats, près de cent-vingt soldats du feu marquaient ainsi leur mécontentement contre diverses choses : entre autres, le règlement opérationnel ou la convention tripartite. Sans oublier les excès d’autoritarisme de la part de la direction. Vice-président du Conseil départemental et président du SDIS 89, Christophe BONNEFOND a souhaité apporter ses propres éclairages sur ce dossier « brûlant » de l’été…
AUXERRE: « La difficulté de leurs revendications (les sapeurs-pompiers de l’Yonne) illustre la difficulté d’un fonctionnement d’un SDIS (Service départemental d’Incendie et de Secours), qui je le rappelle, s’articule autour de 20 % de professionnels et 80 % de volontaires. Ce système a l’énorme avantage de pouvoir être très performant et de montrer beaucoup de puissance quand il y a des choses graves et importantes à gérer comme les feux de forêt ou les sinistres dans les bâtiments. Mais, cela rend la gestion au quotidien, nettement plus difficile… ».
Assis derrière son bureau de maire de Venoy, le vice-président du Conseil départemental de l’Yonne et président du SDIS 89 Christophe BONNEFOND prend le temps de s’expliquer posément et avec lucidité sur la crise que traverse le Service départemental d’incendie et de secours de l’Yonne depuis plusieurs mois. Apportant dans ses explications ses vérités et beaucoup de pédagogie quant au fonctionnement de ce service que les Icaunais apprécient à sa juste valeur à chaque sortie sur le terrain lors des interventions parfois capitales pour sauver des vies humaines.
« Si on analyse les revendications actuelles des sapeurs-pompiers, qu’observe-t-on ?, questionne l’orateur, d’un côté, ils disent qu’ils ne sont pas assez nombreux et de l’autre côté, ils disent qu’ils ne font pas assez d’interventions. C’est là que c’est compliqué à bien appréhender ! Il faut savoir que les effectifs au SDIS 89 représentent 224 sapeurs-pompiers professionnels, 60 personnels administratifs et techniques, mais c’est aussi 1 400 pompiers volontaires rattachés au corps départemental et 350 pompiers communaux. D’où un besoin de gérer de manière optimale cette masse importante de personnes au service de la population. Quand il y a trop d’interventions, ils se plaignent qu’il y en a de trop et c’est naturellement compréhensible ; et quand il n’y en a pas assez, ils disent qu’ils ne sortent pas assez sur le terrain. En fait, c’est un équilibre permanent à trouver ! Pour se faire, je milite depuis très longtemps pour une réponse appropriée sur le très long terme, à savoir la constitution d’une plateforme commune, le « 15/18 », comme il en existe dans la région Rhône-Alpes-Auvergne qui permet de régler les problématiques pas uniquement par des conventions mais également sur les sites. Quand les gens travaillent ensemble sur les mêmes plateaux, ils se comprennent mieux et peuvent gérer du mieux possible les attentes qui se passent derrière un téléphone… ».
Vers la création de la plateforme « 15/18 » ?
Sous son mandat de président exécutif du Département de l’Yonne, le regretté Patrick GENDRAUD s’était déjà penché sur la question. Il avait visité les centres de Bourg-en-Bresse, de Clermont-Ferrand et devait se rendre à Annecy pour constater de visu ce qu’il s’y passait sur lesdites plateformes « 15/18 » et ses avantages. Aujourd’hui, tous les feux verts ont été allumés, tant du côté de la préfecture de l’Yonne, de l’Agence Régionale de Santé (ARS) ou du SAMU pour aller dans ce sens.
« Notre président Grégory DORTE est favorable également à la construction de cette plateforme, ajoute Christophe BONNEFOND, ainsi l’ensemble des acteurs travaillera en étroite osmose et au même endroit pour le bien commun. Cette vision des choses concerne le long terme… ».
Sur le court terme, les soldats du feu professionnels précisent qu’ils ne sont pas assez nombreux à la garde. Invitant ainsi la direction à augmenter les effectifs. Objection de notre interlocuteur : « oui, peut-être mais derrière cela, ce sont des coûts supplémentaires, et nous avons aussi des consignes du ministère de l’Intérieur. Quand leurs revendications, qui sont compréhensibles, exigent que l’on mette plus de volontaires à la garde, il faut faire attention car l’état d’esprit du volontariat, c’est l’astreinte. Cela repose donc sur un équilibre précaire et le besoin d’un management huilé qui n’est pas toujours facile… ».
Un SDIS 89 bien défendu par son partenaire financier le Conseil départemental
Christophe BONNEFOND aborda ensuite l’un des points essentiels des revendications, se rapportant à la convention quadripartite – cet accord réunit les sapeurs-pompiers, le SAMU, l’ARS et les ambulanciers privés - : « c’est une revendication nationale, devait-il rappeler en substance, où les pompiers se plaignent qu’ils réalisent trop de transports sanitaires à la place des ambulanciers. Sachant qu’ils veulent rendre le transport sanitaire aux « blancs » et qu’ils gardent le transport des urgences. Ces conventions, le ministère de la Santé, poussé par celui de l’Intérieur, a imposé qu’elles soient signées avant le 30 juin 2024 pour être applicables le plus rapidement possible. Dans l’Yonne, cela a enlevé un bon nombre d’interventions, ce qui n’est pas le cas partout en France. Conséquence : les pompiers disent aujourd’hui qu’un certain nombre d’interventions ne leur sont plus attribuées et que cela correspond selon eux aux transports des urgences… ».
Une problématique plutôt kafkaïenne à résoudre entre les différents acteurs institutionnels qui régissent le rôle et la fonction du pompier en France. Sachant que le coût moyen annuel d’un poste de sapeur-pompier professionnel dans le pays revient à 55 000 euros ! Et que l’on connaît la situation de crise drastique vécue au plan économique par les collectivités départementales depuis plusieurs années du fait de la dette abyssale à combler de l’Etat !
Un SDIS, malgré ce contexte, plutôt bien défendu par son partenaire financier, le Conseil départemental de l’Yonne, l’un des rares territoires de l’Hexagone à conserver un budget supérieur à l’inflation sur cette typologie de dossier.
« J’assume que je réclame toujours un peu plus d’argent pour le SDIS, je pense qu’il en a besoin, mais il faut que l’on soit raisonnable en dépenses… Il faut trouver des solutions et respecter un juste équilibre…».
« Que de bonnes nouvelles pour l’avenir ! »
Lors du récent comité de pilotage du SDIS, il y a quelques jours, plusieurs choses importantes ont été validées à l’issue de cette réunion : le regroupement de l’ensemble des directions sur le site de la Plaine des Isles, le développement du projet de plateforme d’appel unique, avec les autres partenaires pour travailler ensemble, et l’augmentation du financement d’investissement du Département de 250 000 euros par an ainsi que le montant de la contribution de fonctionnement en suivant le taux de l’inflation.
« Ce ne sont que de bonnes nouvelles pour faire avancer notre projet, résume le président du SDIS 89, or, 48 heures après la prise de ces décisions, le syndicat des cadres devait réagir à ces propositions positives en arguant que le SDIS allait être démantelé ! Je n’ai pas compris ! Bien au contraire, on veut tout faire pour que le SDIS soit plus efficace et fonctionnel en le maintenant… ».
Depuis, de l’aveu de Christophe BONNEFOND et après explications avec les représentants dudit syndicat, les choses se sont améliorées et tout va pour le mieux !
Signalons qu’un nouveau directeur adjoint arrivera au sein du SDIS 89 dès le 01er août. Une affectation qui vient à point nommé !
« Je suis convaincu, conclut le président du SDIS 89, que nous pouvons y arriver : chacun doit s’écouter pour faire avancer la structure dans un sens qui soit favorable à la qualité des secours prodigués et dans un contexte où le SDIS ne peut pas être une île au milieu de l’océan, sans tenir compte du contexte financier qui impose de préserver le plus juste des équilibres… ».
Thierry BRET