À l’appel du mouvement social « Bloquons tout », né cet été sur les réseaux sociaux, des blocages symboliques ont eu lieu ce mercredi un peu partout en France. Avec pour nombre de citoyens en colère, l’ambition de reprendre leur avenir en main. À Auxerre, entre 300 et 400 personnes étaient réunies sur le rond-point de Paris, dans une ambiance calme mais déterminée.
AUXERRE: Il est un peu plus de 10 heures ce mercredi matin lorsque les premiers manifestants bloquent un temps la circulation au rond-point de Paris, à l’entrée d’Auxerre. En quelques minutes, la file de voitures s’allonge, mais l’ambiance est résolument pacifique. Pas de feux de palettes ni de débordements, la consigne est à la sobriété et l’atmosphère bon enfant, même si la colère et la détermination sont bien là. Sur un panneau, ce message teinté d’ironie : « Travail, famille, pâtes, riz… ». Cette Auxerroise au visage fatigué laisse éclater son désarroi : « j’ai tout perdu ! Chaque jour qui passe, c’est de plus en plus dur, avec des fins de mois qui commencent le 10 chez beaucoup d’entre nous… Pourquoi changer de ministre, il n’y aura pas de différence ! ». Son vœu : un changement de République, « je veux que ça s’arrête, je veux un avenir pour mes enfants. La méritocratie n'a jamais existé, tout ça, c’est une vaste blague pour nous faire croire qu’on va réussir… ».
Le mot d’ordre est simple : redonner au peuple le pouvoir d’agir. Un mot d’ordre qui trouve un écho chez les manifestants, venus de tous horizons, souvent sans drapeau politique. Beaucoup dénoncent le mépris des élites, la précarité grandissante et l’absence de réponse politique à leurs difficultés. La récente nomination de Sébastien LECORNU comme Premier ministre n’a rien apaisé. «Quel Premier ministre ? Pas le mien en tous cas » ironise ce sympathisant PS qui aurait bien vu le socialiste Jerôme GUEDJ occuper le poste : « aujourd’hui, je n‘attends qu’une chose de l’Etat, qu’il prenne aux riches et rende au peuple, qu’il reprenne les cadeaux faits aux entreprises, en s’inspirant par exemple de ce que propose Raphaël GLUCKSMANN… ».
Pas convaincu par la nomination d’un nouveau Premier ministre
En fond sonore, entre cornes de brume et mugissement des sirènes, un refrain repris en chœur, venu des tribunes de foot mais devenu hymne des cortèges, rythme la matinée : « On est là, on est là, même si MACRON le veut pas, pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur, on est là… ».
Sur place, les profils sont variés. Une manifestante brandit le drapeau tricolore, déterminée à le reprendre à l’extrême droite : « c’était pour moi important de venir avec aujourd’hui, une façon de dire que tous les Français sont concernés par ce qui se passe dans le pays... ».
Déjà mobilisée à l’époque des « Gilets Jaunes », avec l’espoir « que cette journée débouche sur quelque chose de beaucoup plus large ». Pas convaincue non plus par l’arrivée d’un nouveau Premier ministre : « de toute façon, je n’attendais rien alors je ne suis pas déçue ! » (Rires)
Un retraité, bénévole de l’épicerie solidaire, regrette pour sa part l’absence d’une mobilisation plus large : « Je suis le seul à être là aujourd’hui. Beaucoup ont eu peur des violences ou ne se sentent pas concernés… ».
Une assemblée générale improvisée s’installe au centre du rond-point. Les idées fusent : péage gratuit, blocage des ponts, des grandes surfaces ou du rond-point de Jonches, stratégique pour le transport routier. Certains rêvent d’y installer une mini-ZAD, avec tentes et palettes. D’autres, plus radicaux (ou plus sportifs !), parlent d’encercler le commissariat ou la préfecture !
Trop de récupération politique lors des manifestations
Voire « l’aéroport d’Auxerre », un nom pour le moins ambitieux et présomptueux quand on connaît la taille de l’aérodrome de Branches ! Un chauffeur routier bloqué mais solidaire, regarde la scène avec bienveillance : « Je suis syndiqué, moi aussi. Ce qu’ils font, c’est bien même si je n’y crois plus beaucoup, il y a trop de récupération politique... ».
A bientôt 64 ans, obligé de travailler encore quelques années pour espérer toucher une retraite décente, souffle-t-il du haut de sa cabine, « bientôt quarante ans que je pars à la semaine sur les routes, mes enfants, je ne les ai pas vu grandir… », avant de repartir lentement, salué par les manifestants.
Décision est prise de partir dans un premier temps, bloquer symboliquement l’usine SAFRAN, en zone des Clairions, accusée de participer à « l’économie de l’armement ». Un cortège de 150 personnes se forme sous le regard des agents des Renseignements territoriaux qui observent en retrait, carnet à la main. Devant la prison, un vieux chant ressurgit, sur l’air des lampions, « Libérez nos camarades, libérez nos camarades… ». Clin d’œil à un printemps contestataire entré dans l’Histoire il y a 57 ans et brin de nostalgie pour les plus anciens qui se demandent bien ce qu’ils ont pu faire ou ne pas faire pour en être là aujourd’hui… Rêver d’un autre monde, c’est bien, le réaliser, c’est mieux !
Dominique BERNERD