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Ils orientent nos prises de décisions politiques et marketing : les sondages, outils de manipulation ?

« Qu’elle soit commerciale, dogmatique ou politique, la manipulation est omniprésente dans notre environnement quotidien. Les sondages d’opinion en sont une parfaite illustration selon leur formulation… ». « Qu’elle soit commerciale, dogmatique ou politique, la manipulation est omniprésente dans notre environnement quotidien. Les sondages d’opinion en sont une parfaite illustration selon leur formulation… ». Crédit Photo : Andréas BREITLING/PIXABAY.

L’exploitation des faits divers et des drames devient de plus en plus indécente. Pire encore, ces évènements débouchent souvent sur des sondages qui permettent d’affirmer faussement et de manière détournée, l’opinion publique. Le problème, c’est que la plupart desdits sondages ne nous entraînent que sur un raisonnement binaire : « êtes-vous pour ou contre » !

TRIBUNE : En sciences sociales, la technique des sondages permet de mesurer quantitativement un phénomène de société. La fréquence d’apparition d’un caractère dans un échantillon donne une idée, non sur cette fréquence dans la population, mais seulement une idée imprécise et vague. L’imprécision est directement liée à la taille de l‘échantillon. Les sondages permettent toutes les manipulations vis-à-vis des citoyens. On doit la meilleure synthèse des sondages et leur résonance sur les citoyens, à un ancien ministre et député UDR, dans les années 1970, Alexandre SANGUINETTI : « Les sondages, c’est comme la minijupe, ça fait rêver, mais ça cache l’essentiel ! ».

Parmi les méthodes de sondage, la plus simple est la méthode aléatoire. Les éléments de l’échantillon sont issus d’un tirage au sort. On note des variantes plus complexes à partir de tirages stratifiés, tirages proportionnels…Quant à la méthode des quotas, elle est généralement utilisée par les instituts de sondages. Cette méthode consiste à ne garder, parmi les personnes contactées qu’une proportion supposée répondre, aux diverses catégories socio-démographiques de la société. Cependant, les échantillons sont non probabilistes et l’inférence statistique prend ses assises sur des lois de probabilités.

Les sondages tournent autour des comportements (consommation, transport…), de loin le plus fréquent dans les médias. Le sondage électoral et les cotes de popularité des dirigeants politiques font florés dans les médias et les partis politiques. Pour le sondage électoral, on s’aperçoit, depuis quelque temps, que les instituts se trompent de plus en plus.

 

Les limites du sondage d’opinion

 

Médias de toute nature, journaux papier, chaînes TV, réseaux sociaux, annoncent aujourd’hui les prochains vainqueurs des municipales de 2026 et des présidentielles de 2027 ! Autant consulter Madame Soleil ou Elisabeth TESSIER pour celles et ceux qui s’en souviennent ! Le plus souvent, le sondage d’opinion révèle une émotion à l’instant « t », et jamais une projection probabiliste de l’avenir.  Depuis 1995, les instituts de sondages se trompent souvent. Tout dépend de l’écart-temps, entre la date du sondage et la date des élections. Il reste évident que la presse et les réseaux sociaux peuvent influencer une élection. La manipulation médiatique des sondages d’opinion nous abuse : faire dire au peuple ce qu’il n’a jamais dit ! Cela ressemble plus à de la désinformation pour révéler par les chiffres, une soi-disant preuve sociale !   

 

Exemple de sondage manipulateur

 

En 2008, l’IFOP, publie un sondage dont la question était : « travailler le dimanche et être payé le dimanche plus qu’en semaine, accepteriez-vous ? ». Déjà, l’intitulé de la question est axé sur le gain. En conséquence, une majorité devait s’inscrire dans le oui. Pire, les réponses proposées étaient : A, non jamais- B, peut-être de temps en temps – C, oui toujours. Les résultats sont tombés : B et C sont considérés comme affirmatives et A, comme négatives. Conclusion : 67 % des Français sont déclarés comme favorables au travail le dimanche ! Ce sondage fut commandé par l’Elysée. L’Etat souhaitait nous faire travailler le dimanche. Donnez-moi le message que vous souhaitez faire passer, et je vous donnerai la nature du sondage et les options possibles. Le manque de pertinence dans la question débouche en plus, sur trois réponses possibles, mais elle élimine les réponses négatives. Ici, les manipulations viennent du commanditaire et les modalités d’exécution de l’institut. La manipulation est efficace en l’absence de neutralité du sondage !

En période de crise nucléaire et énergétique, bien orchestrées par les médias, demander : « êtes-vous pour ou contre le nucléaire ? », n’a aucun sens. Si on pose une question avec pour réponses : « le cancer », « le sida ». En conséquence, soit on s’abstient soit on vote pour la seule échappatoire possible ! Une technique qui permet de forcer l’avis des votants sur une proposition qu’ils n’auraient jamais choisie en temps normal.

La faiblesse de l’information donnée offre une tentation pour les sondeurs. Plus un sondage embrasse un vaste domaine, comme une loi, une question de société qui fait débat depuis trente ans, et moins les résultats sont pertinents. Les réponses reposent sur des considérations sociales ou affectives. Le sondeur joue sur l’inculture des sondés sur le sujet !

 

 

L’utilisation des statistiques par les marketeurs pour la manipulation

 

Quelle est la valeur d’un sondage : êtes-vous pour ou contre la peine de mort, le lendemain d’un crime particulièrement odieux ? Aujourd’hui, les interventions médiatiques sur la pauvreté et le pouvoir d’achat font florès. Nous voyons fleurir des sondages du type : « faut-il renvoyer les étrangers chez eux ? », « faut-il supprimer l’AME ? », « faut-il prioriser les Français pour les demandes de logement ? ».  Avec pour seules réponses possibles : « oui » ou « non ». On ne propose qu’un raisonnement binaire, pour ou contre ! Très limité et hautement manipulateur. Quand on prend le temps de la réflexion, nous sommes dans la nuance et la volonté d’approfondir le sujet. Pour avoir commercé avec le Japon, j’ai remarqué (grâce au traducteur), qu’en japonais il existe 21 manières de dire oui et 19 de dire non. En discutant avec un comédien, lui affirmant que nous étions plus binaires avec le « oui » et le « non », parfois le peut-être, mais une limite de langage, il me fit cette réponse : il existe, pour un comédien une cinquantaine de « oui » et de « non », juste dans l’intonation et les modulations de la voix !

Quel champ d’application et quelle richesse ! Les marketeurs utilisent les statistiques et les sondages pour manipuler l’information et prouver l’efficacité d’un produit miracle… Les statistiques marketings sont largement manipulés comme celles des médias et de l’Etat. Les instituts de sondages présentent un réel professionnalisme au service de ceux qui souhaitent, avant la question, le résultat. Notons au passage, que depuis 1995, les instituts de sondage se trompent souvent sur les résultats attendus lors des présidentielles et des législatives…

« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées. » Winston CHURCHILL.

 

Jean-Paul ALLOU