L’affaire fait aujourd’hui grand bruit dans le cénacle politique. Elle dépasse de loin le landerneau territorial. Pour preuve, la reprise de l’information dans la presse hexagonale, tôt ce matin. Tant écrite qu’audiovisuelle ! Et pourtant, tout a commencé chez un média : nos confrères de « L’Yonne Républicaine » qui avaient réuni les deux têtes d’affiche du second tour des législatives dans la première circonscription pour une rencontre débat, à savoir le député sortant, le Rassemblement National Daniel GRENON, et sa challenger, l’écologiste EELV, engagée sous la bannière du Nouveau Front Populaire, Florence LOURY.
AUXERRE : Vent debout et hyper réactif ! L’un des premiers à réagir à la phrase, loin d’être anodine, prononcée par le député sortant Daniel GRENON lors de son entrevue avec la presse se nomme…Mani CAMBEFORT. Le premier fédéral du Parti Socialiste prévient par un SMS lapidaire qu’il va saisir le procureur de la République, au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale. Il l’écrit en ces mots : « je le fais en tant qu’élu et sans lien avec la campagne législative ! Je ferai de même si ces propos avaient été tenus en dehors d’une période électorale… ».
Puis, à réception d’un second message, le porte-parole du PS dans l’Yonne persiste et signe dans sa détermination : « Je confirme avoir envoyé un courrier de signalement au procureur de la République contre les propos de Daniel GRENON… ».
Deux lignes en dessous, « je suis extrêmement choqué par les propos du candidat RN sur l’ancienne ministre Najat VALLAUD-BELKACEM ainsi que les mots qui ont été prononcés à l’encontre des binationaux qui poseraient des problèmes d’allégeance. C’est une insulte aux millions de binationaux de ce pays. C’est aussi persévérer dans ce racisme rance que nous dénonçons tous ! ».
Des réactions en chaîne de la classe politique…
C’est au cours d’un débat entre les deux qualifiés pour le second tour des législatives de ce dimanche 07 juillet, accueilli dans les locaux auxerrois de nos confrères de L’Yonne Républicaine ce lundi, que les propos ont été tenus. Lesquels ? Ceux-là ! Puisque retranscris dans leur intégralité dans les colonnes du quotidien régional dans l’édition du lendemain : « Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux… ».
Réaction en direct et publiée également dans les colonnes du journal de Florence LOURY, « quand j’entends M. GRENON, j’entends qu’il est raciste ! L’arrivée au pouvoir du RN, c’est la discrimination de milliers de Français en raison de leur origine ou de leur religion… ».
On imagine aisément l’atmosphère qui devait régner dans la salle où étaient accueillis les débatteurs après de tels propos ! D’autres élites politiques départementales à l’instar de la sénatrice Dominique VERIEN ou de l’ancien député, Guillaume LARRIVE, ont fait part eux aussi de leur indignation sur les réseaux sociaux.
Le MRAP 89 dépose une plainte et se porte partie civile
De son côté, et par voix d’un communiqué de presse, le MRAP 89 (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples) a réagi par l’intermédiaire de sa présidente, Agnès CLUZEL.
Voici dans son intégralité ce document : « Le MRAP89 dépose plainte auprès du procureur de la République contre les propos tenus par Monsieur Daniel GRENON Daniel lors du débat l’opposant à Madame Florence LOURY dans le cadre du deuxième tour des élections européennes. En effet, l’article de « L’Yonne Républicaine du mardi 02 juillet relate les propos du député sortant «sur 30 ou 40 postes, on ne peut se permettre d’avoir des binationaux. Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place en haut lieu…».
Il s’agit d’une incitation manifeste à la haine raciale. Le MRAP89 se porte partie civile. Notre plainte est confortée par la mauvaise foi de Monsieur Daniel GRENON qui remet en cause sur sa page Facebook, la réalité des propos tenus devant les journalistes. Monsieur Le Procureur de la République trouvera facilement la trace des enregistrements auprès des journalistes de « L’Yonne Républicaine », ainsi que le précise le journal. Dès la rentrée, le MRAP89 mènera une campagne de sensibilisation concernant la loi sur le racisme. Le MRAP89 poursuivra son travail de vigilance, d’informations et d’éducation populaire contre le développement du racisme. Les discours xénophobes tenus quotidiennement par le RN et ses alliés sont dangereux pour la justice et la paix sociale… ».
« Des accusations infondées et le sens des propos dénaturés… "
De son côté, le député sortant de la première circonscription de l’Yonne n’a pas tardé à apporter des explications, via un communiqué de presse, adressé à l’ensemble des rédactions. Ci-dessous l’intégralité de son message.
« Je tiens à réagir aux accusations qui me sont portées concernant une déclaration que j'aurais faite lors du débat d'entre deux tours des élections législatives auprès de « L’Yonne Républicaine » le lundi 01er juillet. Ces accusations sont infondées et dénaturent totalement le sens de mes propos.
On me prête les mots suivants : " Sur 30 ou 40 postes, on ne peut pas se permettre d’avoir des binationaux. Des Maghrébins sont arrivés au pouvoir en 2016, ces gens-là n’ont pas leur place dans les hauts lieux.".
Je tiens à clarifier que cette citation est erronée et ne reflète en rien ma pensée ni mes paroles.
Ce que j'ai réellement dit est : " Des Maghrébins binationaux comme Najat VALLAUD-BELKACEM sont arrivés au pouvoir et c'est très bien, mais ils n'ont parfois pas leur place dans certains postes en hauts lieux du fait de leur binationalité qui peut poser un problème d'allégeance...".
Je reconnais et célèbre les contributions précieuses des binationaux à notre société. Mon propos visait uniquement à soulever une question de principe concernant les postes sensibles où la binationalité pourrait potentiellement poser des questions d'allégeance, indépendamment de l'origine des personnes concernées. Par exemple, la présence d’un franco-russe à la tête de nos services de renseignement poserait des questions légitimes.
Je regrette profondément que mes propos aient été mal interprétés et déformés et je condamne l’instrumentalisation de la gauche et de l’extrême gauche qui n’ont décidément rien d’autre à faire que de monter des polémiques.
Je remercie les électeurs pour leur compréhension et leur soutien constant. Ensemble, nous continuerons à travailler pour l’intérêt général et les valeurs que nous partageons… ».
Une pratique élémentaire chez les journalistes : l’enregistrement des propos !
Un bémol, tout de même, mais qui a son importance dans toute cette histoire de propos tenus ou pas tenus par l’intéressé : les journalistes ont toujours pour habitude d’enregistrer les explications fournies par leurs orateurs en toute circonstance lors des interviews ! Il s’avère que nos confrères de « L’Yonne Républicaine » n’ont pas dérogé à la règle et à cette pratique ô combien importante et salvatrice en cas de litiges !
Il s’avère donc, et après vérification de leur part, que le patronyme de l’ancienne ministre des Droits aux Femmes et de l’Education nationale du gouvernement de Manuel VALLS n’a jamais été cité dans la conversation…Dont acte !
Thierry BRET