Depuis des lustres, Bourguignons et Morvandiaux s’ignorent copieusement ! Pour le Bourguignon, arrogant et ourlé de complexes de supériorité, le Morvandiau est un être méprisable, paysan, pauvre et habitant une région sauvage. Il y a chez lui la nostalgie du passé. Celle des ducs de Bourgogne plus puissants que le roi de France qui dirigeaient alors une région encore plus vaste allant des Flandres aux frontières de la Franche-Comté !
TRIBUNE : On peut difficilement parler d’une culture bourguignonne spécifique. Ni même de langue. Un ou des patois qui traînent « ben un p’tiot peu » et des « r » qui roulent comme les cailloux du torrent…
De plus, la Bourgogne, pour les intégristes du vin, se limite à la Côte d’Or. Le même chauvin vous confirmera qu’il existe peut-être de bons bordeaux mais qu’il préfère boire du véritable vin !
Et le Morvandiau, dans tout ça ? C’est un taiseux qui habite une région très pauvre où il ne pousse que des cailloux et des sapins. La terre y est très dure. Pour la cultiver, il faut trouver de la main d’œuvre pas chère. Depuis le XIème siècle, le Morvan accueille des enfants abandonnés. Pour les orphelins réfractaires, on construira des bagnes d’enfants, comme à Quarré-les-Tombes (il faut relire les œuvres de Jean GENET).
Même si elle décrit le Morvan comme une miniature des Alpes, COLETTE apprécie peu ses habitants. VAUBAN maltraite les Morvandiaux, qu’il considère comme paresseux et entachés de nombreux vices.
Pour survivre, les jeunes mères se proposent comme nourrices pour donner du bon lait aux petits bourgeois parisiens. C’est un pays celte aux traditions fortes, une langue (celtique) et une histoire incroyable.
L’Eduen fait figure de traître, le Burgonde lui en veut toujours !
Les maquis du Morvan furent contournés par César. La Wehrmacht y subit de sérieux accrochages contre les résistants. Un bel inventaire : une des via « Appia » passe près d’Auxerre à Escolives, le plus grand site d’Europe de fouilles archéologiques gallo-romaines.
Le fameux traité signé entre Edouard III et le duc de Bourgogne, le traité des « 200 000 moutons d’or », fut signé à Guillon en 1359. Certains pensent qu’Alésia est situé dans l’Yonne, à Guillon précisément.
Et les grands vins de l’Yonne ? Même si le pinot noir de Tanlay où le melon de Vézelay ne se décline pas en grands millésimes, les saint-bris, chablis, coulanges et autres irancy ont inondé tout Paris de leurs fragrances chères à Bacchus, via les caves de Bercy.
Alors pourquoi ces « vilains » Bourguignons snobent les « affreux » morvandiaux ?
Une idée proche de l’inconscient collectif remonte à la surface. Au moment du siège d’Alésia, les Eduens, après avoir rejoint Vercingétorix, le quittent pour regagner César et entraîner la perte des Gaulois. L’Eduen fait figure de traître car il fait perdre la bataille !
L’Eduen d’hier : c’est le Morvandiau d’aujourd’hui… Alors, de générations en générations, même si on ne sait plus pourquoi, le Bourguignon (descendant des Burgondes) bon teint fait toujours la tête au Morvandiau !
Je vous offre en prime une poésie de ma composition rédigée en pur morvandiau !
T’AS D’BEAUX OEILLOTS
J’la r’beuille et la câline
La mâtine
Vins don l’Yvette chez moué
Vin don là ma gheillouse
A ma feille t’ voiquin bin gônée
Mais vins que j’taimignôde
Tournare encoué ma breûle
Miger jouli cripais
Des treuffes et des beursaudes
T’as ti don vu l’Yvette
Mes sabots mirollés
Les goueillons et la pouèche
Sont prôt pour toué l’Yvette
Vin don bouère un canon
Senti bon lé luzarne
La pâtée des couèchôts
J’ai l’blouse du pieuçou d’treuffes
Quand t’ô point là l’Yvette
Je s’rai ton cul terreux
Et toué ma gourmandille
T’as d’beaux oeillôts tu sais
J’y l’aime gramment ta bouèce
Vins dreumi un p’tiot peu
T’ébeurluttes mon couveau
Vins mionner dans mes bras…
Jean-Paul ALLOU