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Le Sénat enquête sur le rôle de McKinsey : un cabinet de réflexion qui influence l’Etat ?

« Solliciter un cabinet de consultants pour réfléchir à une problématique sociétale donnée ne date pas d’hier au niveau des états de ce monde. Attention, toutefois que les règles de l’impartialité soient respectées avant de donner un avis et de l’appliquer ! C’est ce que vérifie le Sénat en lançant une enquête sur McKinsey… ». « Solliciter un cabinet de consultants pour réfléchir à une problématique sociétale donnée ne date pas d’hier au niveau des états de ce monde. Attention, toutefois que les règles de l’impartialité soient respectées avant de donner un avis et de l’appliquer ! C’est ce que vérifie le Sénat en lançant une enquête sur McKinsey… ». Crédits Photos : D.R. et PIXABAY.

Les PME et les entreprises du CAC 40 font appel à des cabinets de conseils depuis des lustres. Pour les commerçants, artisans et autres très petites entreprises, appeler un consultant correspond à un malade, qui après avoir fait le tour des médecins traditionnels, finirait par contacter un rebouteux. Avec l’affaire « McKinsey », les Français découvrent que l’Etat prend des décisions après avoir pris attache avec des cabinets de consultants.

 

TRIBUNE : Il s’agit d’une vieille pratique à laquelle souscrit de nombreux états. Lorsque le pape François arrive au sommet du Vatican, il décide de faire l’audit des comptes bancaires de Rome. Il déclare qu’il mettra fin au bricolage des études précédentes en faisant appel aux plus grands cabinets d’audit et de conseil américains.

Alors, faire appel à des cabinets de consultants pour accompagner les missions de l’Etat n’est pas nouveau. Le gouvernement actuel a suivi les pratiques de ses prédécesseurs. Le problème n’est pas là. Jusqu’en 2020, plus d’une cinquantaine de cabinets prodiguaient leurs précieux conseils, sachant que McKinsey ne représentait que 1 % du total. A partir de 2021, la machine s’emballe : McKinsey pèse selon le Sénat, près de 1,5 milliard de notes d’honoraires.

 

Le sanitaire et le numérique comme sources de missions…

 

Dans son rapport, le Sénat  écrit que « le rôle d’un cabinet de conseil consiste à rédiger des documents stratégiques à destination des responsables publics ». Mais, les missions des cabinets de conseil sont aussi beaucoup plus concrètes. Lors de la crise sanitaire, il leur a notamment été confié la logistique des masques, des équipements de protection et des vaccins, des systèmes d’information pour la vaccination – VAC-SI – et pour le passe sanitaire.

Mais une grande partie de l’activité de conseil relève du secteur informatique : ce domaine représente 646,4 millions d’euros en 2021, soit 72 % des dépenses de conseil. Le Sénat rappelle la teneur de ces missions : conseil en  « qualité des systèmes d’information », « stratégie des systèmes d’information », « étude de projets applicatifs » ou encore « urbanisation et expertise technique ».

 

 

Des zones d’ombre que le Sénat tente d’éclaircir…

 

Où sont les problèmes ? Le comptable représente le rétroviseur de l’entreprise alors que le cabinet conseil est la boussole : mieux inventer l’avenir. Le problème, c’est que face à une armée de technocrates, énarques et consorts, l’Etat semble dans l’incapacité de gérer sans l’intervention de tiers étrangers aux ministères. Ce qui interpelle et motive la commission d’enquête, voulue par les sénateurs. Ces derniers fustigent les sommes exorbitantes réglées par l’Etat à McKinsey, la prédominance de ce cabinet, l’intégrité de ce cabinet (McKinsey conseille sur la politique de vaccination alors que le cabinet américain est actionnaire de PFIZER !), sachant que le Président de la République a choisi le laboratoire des Etats-Unis comme fournisseur de vaccins.

Le Conseil Constitutionnel, présidé par Laurent FABIUS, a validé les dispositions législatives concernant les vaccins. Or, Victor, le fils de l’ancien Premier ministre dirige la filiale hexagonale de McKinsey. Précisons que le cabinet a prodigué, gratuitement, ses conseils auprès d’Emmanuel MACRON durant toute sa campagne de 2017. Pourquoi gratuitement ? Le Sénat veut aussi connaître les contreparties cachées, s’il y en a, d’une telle opération. McKinsey doit communiquer aux Etats-Unis la copie de toutes ses études et rapports (c’est la loi américaine). Ainsi, quid des études confidentielles qui se rapportent à la France ?

Enfin, dernier point, quid de l’impôt sur les sociétés concernant McKinsey en France. Existe-t-il une évasion fiscale légale ? Certes, s’il règle la TVA, le cabinet US déduit tout ce qu’il récupère sur ses achats.

 

 

Une histoire de moutons qui en dit long sur les consultants !

 

Connaîtra-t-on un jour les résultats de cette enquête ? L’avenir le dira. On doit remarquer le trouble que pose le questionnement du Sénat. Le problème ne se situe aucunement dans le fait que l’Etat fasse appel à des cabinets extérieurs. Si un journal, voici quelques années, avait écrit un jour : « …parlons des cabinets de consultants », je ne résiste pas à l’envie de vous raconter une histoire de consultant : « en pleine montagne, un homme d’affaires lambda (attaché-case, nœud papillon et costume de bonne coupe) arrête sa voiture devant un berger. Il s’écrie : « Ola, brave homme, si je vous dis en quelques secondes, combien il y a de moutons dans votre troupeau, vous m’en donnez un. D’accord, dit le berger. Le consultant parcourt le troupeau d’un regard balayant et déclare : il y a 198 moutons ! C’est bien, dit le berger et le spécialiste s’empare d’un animal. Attendez, déclare le berger, si je vous dis quel métier vous faites, vous me rendez ma bête ? Ok dit l’autre. Et bien vous êtes consultant, cher ami. L’autre est sidéré : comment vous avez deviné ?  Facile, dit le gardien de la montagne, vous arrivez quand on ne vous attend pas, quand on ne vous a rien demandé, vous nous dites ce que l’on sait déjà et c’est mon chien que vous avez pris ! ».

 

Jean-Paul ALLOU