« A l’Est d’Eden, rien n’aura donc vraiment changé ? ». Mais, à quoi sert ce « machin » gigantesque, finalement, quand l’on y regarde de plus près ? Comme l’a qualifié en son temps, via une formule assassine dont il avait le secret, le Général Charles de GAULLE ! Le 10 septembre 1960, le chef de l’Etat français asséna l’un de ses légendaires coups de griffe à l’institution internationale des Nations Unies. Et de par les mots, les représentants de ce vénérable organisme qui siègent dans leur tour d’ivoire à la pointe sud de Manhattan à New York.
On peut raisonnablement se poser la question, un an après le début du plus grave conflit belliqueux qui secoue le continent européen, depuis la Seconde Guerre mondiale. Outre la parenthèse déjà très sanglante du conflit dans l’ex-Yougoslavie – un pays sous l’influence de l’Union Soviétique qui s’est disloquée en autant de petits états (Croatie, Serbie, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord) se vouant une haine farouche et religieuse mais au moins il y avait la présence de Casques Bleus -, la vieille Europe n’avait pas connu de tels théâtres d’opérations depuis 1945.
Depuis le 24 février 2022, les choses ont malheureusement changé. La guerre (et non « l’opération militaire spéciale », chère à Vladimir POUTINE, il faut appeler un chat, un chat que diable !) est apparue dans notre quotidien.
Un quotidien fait de proximité, mis en scène par les médias audiovisuels et les réseaux sociaux qui nous abreuvent d’images terribles à longueur de journée. Un quotidien guerrier de proximité qui s’est aussi concrétisé par l’exode massif de cette population ukrainienne qui n’a eu d’autre salut que de fuir loin devant elle, en laissant les hommes, les époux, les fils et les vieillards derrière soi.
Un quotidien qui sent le soufre, qui donne la chair de poule au vu de certaines scènes tragiques commises sur le territoire assiégé – les crimes de guerre perpétrés dans de petites villes martyres qui resteront désormais dans la postérité-, qui donne l’envie d’un autre monde. On en a tous rêvé même les musiciens du groupe TELEPHONE.
Un très lourd bilan de victimes dans les deux camps…
365 jours après le déclenchement de ces opérations meurtrières, et des mois d’enlisement sur un front qui court sur près de mille kilomètres à l’est et au sud du pays dont certaines régions ont été annexées sine die, qu’en est-il exactement de la situation ?
La confrontation entre les deux camps tourne en rond, s’inscrivant dans un temps interminable qui, d’après tous les spécialistes du sujet, n’est pas prêt de se terminer. A défaut de quelques mètres gagnés, la Russie n’est plus à l’offensive dans le Donbass ; et si l’Ukraine résiste vaille que vaille, à la force du courage et du sang, elle n’avance pas non plus pour bouter les hommes de l’armée régulière russe et ceux de la milice Wagner hors des frontières légitimes défendues par Kiev. Faute de moyens militaires suffisants.
Toutefois, la donne a considérablement été bouleversée après ces douze mois de combats particulièrement sanglants. Des combats qui ont occasionné plus de 185 000 morts côté russe, à peu près autant chez leurs adversaires ukrainiens, sans omettre les personnes blessées, disparues, déserteurs, etc. Et les huit millions de personnes qui ont fui leur pays en toute hâte…
Cela, est le premier aspect de cette évolution. La France a accueilli à l’instar de nombreux pays européens son lot de réfugiés – plus de 600 personnes pour le seul département de l’Yonne qui ont transité par la Bourgogne septentrionale – et ce flux ne semble pas se tarir un an après le commencement du conflit.
Deuxième point, l’OTAN s’est renforcée et fait bloc derrière le leadership des Américains ; de même l’Union européenne tente de parler d’une seule voix, notamment sur la stratégie des sanctions économiques à appliquer et de la livraison d’armes lourdes à fournir vers l’Ukraine, hormis les sautes d’humeur habituelles de la Hongrie ou de la Turquie. Des pays alliés des Etats-Unis, doit-on le rappeler même si l’ambiguïté est parfois consternante selon les jours.
Un cinq à sept fâcheux pour les partisans de la paix…
Là où les choses n’évoluent guère de facto, c’est au niveau de l’ordre mondial entre les deux dates faisant office de référence, ce 24 février 2022 et ce 24 février 2023. Quoique !
Prenons, le dernier vote proposé vendredi dans l’enceinte des Nations Unies. Il y révèle des choses à la fois surprenante, déroutante, évidente mais confirme aussi l’isolement d’une Russie qui a beau faire de la lèche en matière de séduction économique et sécuritaire aux quatre coins du globe est à la peine, au niveau de sa popularité internationale.
Le texte, une résolution qui n’avait absolument rien de contraignante pour les participants au vote (!) – mais alors à quoi cela sert-il exactement ?! – exigeait le retrait immédiat des troupes de Moscou du territoire ukrainien.
Résultat des courses, et se calquant à quelque chose près sur les mêmes résultats que ceux de l’année dernière, 141 pays ont approuvé le document soumis par le secrétaire général de l’ONU, Antonio GUTTERRES, soit le départ des envahisseurs russes tout de suite. Trente-deux états ont préféré adopter une position abstentionniste et surtout de neutralité en qualité de non-alignés. Sept pays, en revanche, et non des moindres dans ce qu’il est convenu de nommer l’axe du mal selon les critères des Etats-Unis approuvent sans retenue cette poussée en avant (et vers le renforcement de la guerre par capillarité) du pouvoir russe chez leur voisin.
Mais, à y regarder de plus près, la dernière résolution votée en octobre 2022 avait donné lieu à une photographie à peu près à l’identique des résultats avec 143 votants favorables au retrait des Russes, le même nombre de pays neutres ou presque, et cinq rejets.
C’est en fait le Mali (tiens, tiens, un ex-pays frère de la France dont la junte au pouvoir vient de nous faire plier bagages presque manu militari mais avec un ultimatum à l’estampille de la milice de PRIGOJINE à la clé !) et le Nicaragua dont le régime n’a jamais été un franc partisan de la démocratie ni de la liberté. C’est deux pays, sous influence directe façon perfusion de Moscou, ont donc fait, non pas pencher la balance dans le camp de POUTINE, mais gonfler très succinctement le nombre d’opposants à la liberté retrouvée de Kiev.
Ils ont rejoint les très démocratiques et libertaires états de Syrie, Biélorussie, Erythrée, Corée du Nord et…Russie ! Sept pays composant ce nouvelle liste noire selon les critères de Joe BIDEN sur les 193 états que comptent les Nations Unies, effectivement, c’est très peu !
Une résolution qui ne changera rien à la donne…
Bien sûr, il faut être réaliste. Le vote de cette résolution non contraignante ne changera pas d’un iota la face de cette guerre où s’excitent également les Iraniens en livrant moult quantités de drones. D’autant que la Chine (elle s’est abstenue tout comme l’Inde) aurait été désignée par les Etats-Unis comme une nouvelle source d’approvisionnement des armes pour les Russes. Via la Corée du Nord, le satellite de Pékin depuis des lustres, ou en direct. On annonce déjà la visite de Xi JINPING à Moscou pour entériner tout cela sous la surveillance et les menaces farouches de Washington.
Reste, parmi les derniers éléments de la semaine à se mettre sous la dent, le « pseudo » plan de paix, élaboré avec l’aval de Moscou par la Chine ! Un programme en douze points qui au-delà du simple fait de calmer les ardeurs des Russes sur leurs velléités de tout détruire en nucléarisant la planète (et eux avec y compris !!) est très favorable à ladite Russie tant par la suppression des sanctions économiques ( un dixième paquet vient d’être validé par l’Union européenne) même si cela ne fonctionne guère que par le respect de la souveraineté des frontières entre les deux états belligérants.
Vous avez dit « frontières » ?! Mais desquelles parlons-nous vraiment à travers ce plan fait à la va-vite et sans la moindre consultation auprès des Ukrainiens ! De celles d’avant le 24 février 2022 ? De celles de 2014 avant l’annexion pure et simple de la Crimée ? Ou de celles d’aujourd’hui qui englobent l’annexion illégale des quatre régions du Donbass par les Russes ? Un casse-tête chinois, en vérité qui démontre qu’en matière de diplomatie et de probité, tout est à reconstruire en ce bas monde…
Thierry BRET