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Fraude fiscale : du grain à moudre pour l’administration française, mais à quel rythme ?

« Le ministre de l’Economie, Bruno LE MAIRE, en fait son cheval de bataille à grand renfort d’interviews : « l’évasion fiscale est inacceptable ». Pour autant, les services administratifs de l’Etat se renvoient la balle et prennent leur temps avant de statuer sur des dossiers plutôt bien ficelés en matière de fraude fiscale… ». « Le ministre de l’Economie, Bruno LE MAIRE, en fait son cheval de bataille à grand renfort d’interviews : « l’évasion fiscale est inacceptable ». Pour autant, les services administratifs de l’Etat se renvoient la balle et prennent leur temps avant de statuer sur des dossiers plutôt bien ficelés en matière de fraude fiscale… ». Crédit Photo : D.R.

L’évasion fiscale, ça n’est pas seulement une attaque contre le Trésor public. C’est une attaque contre la démocratie toute entière. Contre le consentement à l’impôt. « Elle est inacceptable » devait préciser Bruno LE MAIRE, ministre de l’Economie, lors d’une interview accordée le 06 novembre 2017. Voilà une déclaration à laquelle on ne peut que souscrire à bien des égards…

TRIBUNE : Selon les estimations du ministère des finances, la fraude fiscale coûterait entre 60 et 80 milliards d’euros par an. Gérald DARMANIN, ministre de l’Action et des Comptes publics, a déclaré dans une interview au « Figaro » le 01er février 2018 : « La lutte contre la délinquance en col blanc nécessite des méthodes plus efficaces ». Quant au Premier ministre, Édouard PHILIPPE, il a ajouté de son côté, « vouloir sanctionner les officines qui font profession de contourner la loi… ».

Mais, l’évasion fiscale concerne aussi l’ensemble des professionnels de la filière du droit et des chiffres : les notaires, les avocats, les experts-comptables. Il semble être dans le collimateur du gouvernement depuis quelque temps.

Tout ceci est parfait. En avant « marche », comme la République du même nom ! Mais, dans la réalité, comment cela se passe-t-il ? Racontons une histoire vraie, qui montre comment se traduisent sur le terrain ces magnifiques déclarations sur la lutte contre la fraude fiscale.

Un cas d’école significatif de fraude « organisée »…

Dans une indivision constituée de quatre personnes, tous les indivisaires rédigeaient une déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dont les valeurs présentées pour l’administration fiscale étaient très inférieures à la réalité. Ils ne sont sûrement pas les seuls, parmi les 150 000 assujettis à l’IFI, à avoir pratiqué de la sorte.

Toutefois, et c’est là que le bât blesse, le grand écart entre les valeurs déclarées et la réalité était vraiment excessif : le rapport étant de un à cinq. Autrement dit, la valeur de l’actif immobilier déclaré représentait 20 % de sa valeur de marché.

L’un des indivisaires a fini par dire : « Cela ne va pas. On ne peut pas fonder un revenu sur une fraude fiscale ». Bien entendu, il s’est heurté à un tir groupé des trois autres indivisaires. Et c’est là que l’on retrouve le collimateur que le gouvernement surveille : l’avocat des trois indivisaires est un ancien fonctionnaire des impôts. Un autre avocat, président d’un cabinet d’avocats « de haute pointure », rédige la déclaration fiscale des trois indivisaires contenant ces valeurs formidablement sous-évaluées. Il est donc à la fois le complice et le grand ordonnateur de cette fraude fiscale.

Bien entendu, un notaire de famille est de connivence. Conscient de cette fraude fiscale caractérisée, il avait émis des réserves sur cet état de fait mais cela n’allait pas plus loin. N’est-ce point pourtant un « Officier d’état civil » ?

Excédé, l’un des indivisaires procéda donc seul à la régularisation de sa situation. Comme dans la religion catholique apostolique et romaine, il alla à confesse avec son conseiller fiscal et dit au contrôleur des impôts : « Pardonnez-moi, monsieur le contrôleur, parce que j’ai péché... ».

Ce dernier négocia pied à pied avec le conseiller fiscal du pécheur et lui dit à la fin : « Payez tant et vous êtes pardonné mais ne péchez plus ! ».

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Une affaire concrète encore non résolue aujourd’hui…

La Direction régionale des impôts de Paris où résident les trois indivisaires obstinés dans la fraude ayant été mise au courant de la situation fiscale de cette indivision ajouta que « cela n’allait pas se passer comme ça ! ».

Arguant qu’elle était la seule administration à rapporter de l’argent à l’Etat...Aujourd’hui, l’affaire est en cours d’analyse.

Excédé par ce non-respect de l’égalité des citoyens devant l’impôt, l’indivisaire qui était le seul à s’acquitter de l’IFI au juste tarif, écrivit au ministre de l’Economie. S’appuyant sur le postulat que « l’évasion fiscale est inacceptable ».

Ce dernier lui répondit fort courtoisement qu’il transmettait le dossier au ministère de l’Action et des Comptes publics. Puis, plus rien ne se passa.

Alors notre indivisaire écrivit au ministre de l’Action et des Comptes publics. Là encore, on lui répondit avec civilité que « l’on transmettait le dossier au Directeur général des Finances Publiques ». Et qu’il fallait se montrer patient !

Imaginez ce que la fraude peut représenter à l’échelle des 150 000 contribuables assujettis à l’IFI. La sous-évaluation de l’actif immobilier doit toucher … beaucoup de monde.

Les Anglais disent : « The administration grinds slowly but it grinds fine… ».  (Littéralement : l’administration moud lentement mais elle mout finement). Voyons, fort de cet exemple encore non résolu au moment où s’écrivent ces lignes, à quel rythme calendaire l’administration française moud-elle ses dossiers ? 

Emmanuel RACINE