L’un des benjamins du gouvernement PHILIPPE était de passage dans l’Yonne ce lundi. Objectif : prolonger, grâce à ses prérogatives de secrétaire d’Etat en charge de l’Action et des Comptes publics auprès du ministre, l’esprit du Grand Débat national en nouant des contacts directs avec les agents de la fonction publique. Qu’ils soient d’Etat ou territoriaux. Une immersion au plus près de ces acteurs de l’économie qui sont en proie aux doutes et interrogations après les annonces faites par le président de la République de supprimer au terme de son quinquennat 120 000 postes. Autre élément marquant : le quadragénaire de la politique a pu s’entretenir avec une délégation d’entrepreneurs sur les conséquences du prélèvement à la source. Rencontre avec un membre du gouvernement, ouvert au dialogue et pas avare en explications…
AUXERRE : A l’instar d’une dizaine de ministres, vous allez échanger avec les influenceurs et les jeunes sur la plateforme TWITCH ce mardi. Pourquoi ?
Le Premier ministre Edouard PHILIPPE souhaite que l’on participe à des débats en ligne puisque nous sommes en période de Grand Débat national. L’objectif de cet exercice est de toucher toutes les populations, y compris les jeunes générations afin de discuter avec eux, sans filtre lors de véritables échanges constructifs.
Qu’est-ce qui explique votre présence ce lundi dans l’Yonne ?
Je souhaitai rencontrer les agents de la fonction publique, ceux de la territoriale, de l’Etat pour leur présenter le projet de réforme sur lequel je travaille depuis maintenant douze mois. Aujourd’hui, on avance avec des points de convergence et de désaccord de manière plus globale. Mais, en nous appuyant sur les préfectures et les centres de gestion, selon le principe du volontariat, j’ai pu atteindre mon objectif que je m’étais fixé : recueillir leur sentiment sur la réforme que je porte, mais aussi obtenir des pistes de simplification ou tout simplement des idées novatrices
Comment avez-vous trouvé votre auditoire ?
Hormis quelques déclarations de principe, il y avait un réel intérêt de la part des agents à être présents dans ces différentes rencontres, organisées à Auxerre. Certes, nous avons abordé parfois des sujets terriblement techniques. Mais, ce sont des thèmes qui sont leurs lots au quotidien.
Pensez-vous que les inquiétudes des agents de la fonction publique sont légitimes ?
Oui, cela fait vingt ans que l’on demande des efforts aux acteurs de la fonction publique. Chaque jour, on entend dire que l’administration doit s’adapter et fournir des efforts en termes de modérations salariales, d’économies d’échelle, d’effectifs. L’inquiétude de ces agents est normale. Nous, nous souhaitons leur donner davantage de souplesse pour être plus efficace et leur garantir plus de droits.
Peut-on parler de précarité dans la fonction publique ?
Une chose est sûre : les employeurs publics doivent être exemplaires. On ne peut pas décemment demander au secteur privé de faire des efforts que le secteur public ne ferait pas. Et même si, parfois, certains syndicats nous accusent de favoriser la précarité en ayant recours aux contractuels, je dénie totalement ces arguments.
Aujourd’hui, un agent sur cinq est contractuel. Nous avons comme objectif d’améliorer leur emploi car, bien souvent, ces personnes sont plus maltraitées que les contractuels du secteur privé. Prenons l’exemple des agents contractuels à temps partiel qui travaillent sur des durées très courtes. Nous allons leur donner de véritables perspectives de développement.
Enfin, il existe un certain nombre de postes où on a du mal à trouver des titulaires. Soit parce que les écoles des services publics ne forment pas assez de candidats par manque d’attractivité, soit parce que certains territoires rencontrent des problématiques pour attirer les compétences.
Permettre l’accès à ces contrats, c’est résoudre une partie de ces besoins. C’est aussi donner à une administration l’opportunité de s’adjoindre des compétences pendant un temps donné à l’échelle d’une carrière. Mais, naturellement, il est évident que cela doit être encadré, protégé. En résumé, ce que nous proposons, ce n’est pas de la précarité mais bel et bien une sortie de celle-ci…
Concrètement, vous vous préoccupez aussi bien de la pérennité des titulaires que des contractuels ?
Bien sûr ! Il faudrait veiller dans ces débats qui circulent à ne pas s’imaginer que sur les 5,5 millions agents du service public, seuls les droits des titulaires sont totalement sacrés. Ce qui supposerait que l’on ne doit pas se préoccuper des droits des contractuels. Moi, ma mission, c’est de m’occuper des deux catégories !
Un mot sur la suppression des postes dont Emmanuel MACRON évoquait la nécessité durant sa campagne électorale ?
Le président de la République souhaite restreindre le nombre d’emplois dans la fonction publique, d’ici 2022. Toutefois, nous ne demandons pas d’effort au secteur hospitalier. Les choses sont très claires.
A contrario, nous demandons aux collectivités locales de modérer leurs dépenses de fonctionnement. Depuis quatre ans, les collectivités ne remplacent pas les départs à la retraite, pour 12 à 15 000 postes par an. A l’échelle de cinq ans, l’objectif de 70 000 postes à supprimer est tenable.
Au niveau de l’Etat, nous changeons de process ; nous réformons. Nous modernisons également le système. Une fois que cela a été réalisé, nous en tirons les conséquences en termes d’effectifs.
Mais, attention, cet objectif sur lequel nous travaillons ne représente pas un totem. Il en va de même pour la réduction des dépenses publiques et celles des impôts. A terme, nous devrions atteindre notre cap de 120 000 suppressions de poste.
Paradoxalement, existe-il des créations d’emplois dans la fonction publique ?
Oui, de nouveaux emplois apparaissent. Dans le domaine de la sécurité. Dans les postes offerts par la pénitentiaire et la justice. Dans les douanes. Les perspectives du BREXIT induisent la création de plus de 700 emplois de douaniers pour assurer les contrôles à la frontière britannique.
On vous reproche parfois une vision arithmétique et comptable dans votre gestion de la fonction publique. Est-ce exact ?
Si nous possédions une telle vision, on procéderait à des suppressions nettes et massives, tout en demandant à l’administration de rendre la même qualité de service à l’issue. Ce n’est pas ce que nous faisons.
Aujourd’hui, nous investissons pour l’essor de la fonction publique. J’ai publié récemment le Schéma directeur de la formation continue des agents de l’Etat avec une enveloppe d’1,5 milliard d’euros à l’échelon du quinquennat. Parallèlement, il y a la mise en place avec une enveloppe à la clé de la transformation de l’action publique et la modernisation des administrations de l’Etat. Soit un investissement de 700 millions d’euros. C’est un effort qui n’avait jamais été consenti jusque-là dans l’administration. Cela démontre bien que nous ne sommes pas dans une logique comptable…
Que retiendrez-vous de ces différentes rencontres dans l’Yonne ?
J’ai eu la chance de pouvoir discuter avec des agents des finances publiques motivés. A qui, il faut être reconnaissant de la mise en œuvre du prélèvement à la source. De leur côté, les chefs d’entreprise nous ont dit que tout cela se déroulait bien. C’est plutôt satisfaisant.
Dans l’après-midi, échanger avec les agents de la fonction publique d’Etat et de la territoriale, soit une centaine de personnes, m’aura permis de connaître leurs préoccupations légitimes, d’écouter leurs questionnements, leurs suggestions…l’ensemble des propos était vraiment constructif.
Des « Gilets jaunes » vous ont suivi également lors de cette journée. Cela atteste de la défiance que vous dégagez en votre qualité de représentant du gouvernement ?
Cette défiance dont vous faites écho, elle existe dans notre société par rapport aux différents corps intermédiaires, à l’ensemble de la classe politique et elle n’est pas uniquement imputable au seul gouvernement. Elle nous vient de très loin. J’y ajouterai aussi les organisations syndicales, en manque constante de représentativité. Elles ont enregistré une nouvelle baisse lors des récentes élections professionnelles dans l’agriculture et la fonction publique. Cela fragilise les repaires dans notre société…