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Ce serait la surprise du chef : et si le vote électronique était le juge de paix de la future présidentielle ?

« Le vote électronique peut-il être introduit lors de la présidentielle 2022. Le gouvernement et son porte-voix Gabriel ATTAL (photo) n’accréditent pas cette hypothèse qui circule comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. De la fausse information qui a pour source d’alimentation Florian PHILIPPOT, entre autres… ». « Le vote électronique peut-il être introduit lors de la présidentielle 2022. Le gouvernement et son porte-voix Gabriel ATTAL (photo) n’accréditent pas cette hypothèse qui circule comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. De la fausse information qui a pour source d’alimentation Florian PHILIPPOT, entre autres… ». Crédit Photo : D.R.

« Nous avons besoin de numériser notre démocratie, avec le vote électronique qui élargira la participation, réduira les coûts et modernisera l’image de la politique… ». Cette déclaration était inscrite dans le programme d’Emmanuel MACRON en 2017. Ragots et fake news vont bon train. L’Etat est soupçonné de vouloir faire aboutir cette réforme pour le scrutin 2022 ! Est-ce raisonnable à cinq mois du vote ?

 

TRIBUNE : On peut arguer de trois raisons majeures en faveur du vote électronique : face au développement de la pandémie, on limite les déplacements dans les bureaux. C’est le pouvoir de voter en toute tranquillité depuis  son ordinateur ou son smartphone. C’est peut-être le moyen judicieux de réduire l’abstention.

Mis à part le fait qu’on a déjà réfléchi à la création d’une carte d’identité électronique, on peut rester dubitatif face aux fraudes possibles. Le gouvernement avait déjà renoncé à cette mise en place lors des dernières élections régionales. L’idée reste présente dans l’esprit de beaucoup, y compris dans la tête de députés LREM comme Alain PEREA.

 

Le vote électronique va à l’encontre des grands principes électoraux !

 

Sur le plan juridique, le vote électronique pose aussi question. Car il interroge trois des principes fondamentaux du droit électoral : l’indépendance du vote, sa sincérité, et la dignité du scrutin. L’intimité et le secret du vote sont indispensables pour garantir son indépendance. Mais « qui dit que personne ne sera manipulée par une tierce personne derrière son écran lors du vote ?, s’interroge Gilles TOULEMONDE, maître de conférence à l’université de Lille et spécialiste du droit constitutionnel. Personne ne peut le garantir ! ».

En matière de sincérité, comment être sûr que le candidat validé sur son écran soit bien comptabilisé tel quel lors du recensement des voix ? Là encore, la fiabilité des plateformes peut interroger, même si une technologie comme la blockchain faciliterait le contrôle de la conformité du scrutin, dans la mesure où elle permet un horodatage et une vérification croisée des opérations de vote.

Qu’en est-il de la dignité du scrutin ? « Voter, c’est se rendre dans un espace dédié pour ça. C’est un moment précieux de la démocratie, estime Gilles TOULEMONDE. Le vote électronique va donc à l’encontre des grands principes électoraux... ».

 

 

Gabriel ATTAL crie à la fake-news !

 

Le gouvernement envisagerait très sérieusement la possibilité de pouvoir faire voter électroniquement pour la prochaine présidentielle. C'est ce qu'affirme, ou plutôt dénonce, un message très partagé sur les réseaux sociaux. La publication, relayée notamment par Florian PHILIPPOT, président des Patriotes, affirme que le vote électronique sera mis en place et qu'il permettra des « fraudes massives ». 

Les messages, partagés plusieurs milliers de fois, alertent sur des « fraudes à venir ». C'est faux et archifaux s’égosille le porte-parole du gouvernement Gabriel ATTAL. Si le vote à distance a été évoqué pendant le quinquennat, il ne sera pas mis en place pour 2022. 

 

De quelles fraudes avons-nous peur ?

 

Il peut exister une possibilité de vote électronique, en préfecture et par anticipation, une semaine avant l’élection. Rien n’est certain ni même voté et à quoi cela peut-il servir ? Pour beaucoup, c’est juste pour favoriser les fraudes au profit du pouvoir.

Il existe déjà des machines électroniques mais selon Chantal ENGUEHARD, maître de conférence à l’université de Nantes : « personne ne peut savoir ce qui s'est passé dans l'ordinateur de vote pendant son utilisation : ni les électeurs, ni les membres du bureau de vote, ni la puissance publique ». Et de poursuivre en affirmant que la liste des incidents techniques liés au vote électronique est longue comme le bras ! En conclusion : « la fraude est possible et démontrée ». Ce qui n’est pas très rassurant…

Même si rien n’a été prouvé, l’élection présidentielle de Donald TRUMP fut largement écornée par la fraude électronique dans quelques états majeurs comme le Wisconsin, la Pennsylvanie et le Michigan. A l’heure de la dématérialisation, dans les entreprises comme dans les administrations, un secteur résiste toujours à l’envahisseur numérique.

Au cœur de la pratique démocratique, le vote reste, dans nombre d’états modernes, un rituel très physique. Ce rituel est pourtant largement boudé par les électeurs dans nombre de démocraties participatives, dont la modernisation est considérée, de l’Estonie à l’Inde, comme un levier de participation.

En rendant le vote plus accessible physiquement et/ou plus facile matériellement, on le rendrait plus massif. L’hypothèse justifie des expériences, plus ou moins développées, comme en Suisse ou à Moscou, mais elle pose aussi de nombreuses questions. A commencer par celle, centrale, de la fiabilité et de la véracité du scrutin. Même si le vote papier n'est pas idéal ni sans défaut : en raison de bulletins complexes (Etats-Unis) ou à cause de bureaux de vote trop petits, voire tenus par des personnes peu expérimentées (lors des primaires françaises).

La confiance des Français vis-à-vis de tous les pouvoirs, politiques, scientifiques ou économiques, est déjà au plus bas. Alors, permettre le vote électronique pour les prochaines présidentielles risquerait de mettre le feu aux poudres. Pour celles et ceux qui connaissent les aventures d’Astérix le Gaulois, après vouloir jouer « La surprise du chef », notre président désirerait se draper des « Lauriers de César »…En version numérique ?!

 

Jean-Paul ALLOU