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Accorder la main avec l’esprit : les Compagnons du Devoir démontrent que « savoir-faire » rime avec « savoir être »

« Natif d’Angers, Hugues a fait étape à Auxerre le temps de se perfectionner dans son métier de menuisier. Il lui reste deux ans pour boucler son Tour de France, avec l’espoir de devenir un jour son propre « singe » ! ». « Natif d’Angers, Hugues a fait étape à Auxerre le temps de se perfectionner dans son métier de menuisier. Il lui reste deux ans pour boucler son Tour de France, avec l’espoir de devenir un jour son propre « singe » ! ». Crédit Photos : Dominique BERNERD.

Compagnon, devoir, partage… Des mots qui résonnent et prennent tout leur sens à une époque où priment l’individualisme et la dictature de l’immédiateté. Les Compagnons du Devoir ouvraient les portes de leurs maisons un peu partout en France, le 11 mars, à l’image de celle située à Auxerre où, venus en nombre, les visiteurs ont pu découvrir un modèle de formation à nul autre pareil et pour certains, trouver leur voie parmi la trentaine de métiers proposés…

 

AUXERRE : En cette fin de matinée, Charles BARBAY ne cachait pas sa satisfaction. Moins de deux heures après l’ouverture des portes, plus d’une cinquantaine de personnes avaient déjà franchi le porche du 6 rue Saint-Pèlerin, en quête d’informations sur les métiers du compagnonnage. Venus en famille le plus souvent, séduits par cette réputation d’exigence et d’excellence qu’ont su se forger au fil des siècles les Compagnons du Devoir.

En charge depuis septembre dernier de la prévôté icaunaise, qui accueille vingt-huit résidents à l’année, ainsi qu’une soixantaine d’apprentis couvreurs et maçons en formation, le jeune normand de 24 ans est boulanger-pâtissier de formation. Un choix dicté dès l’enfance, par la passion et l’attrait des métiers de bouche, héritage naturel d’un paternel dans la restauration : « je vis aujourd’hui pleinement ma mission et même si les générations évoluent, j’ai à cœur de conserver et transmettre ces valeurs des Compagnons, restées les mêmes, que ce soit la rigueur, la fraternité ou la solidarité… ».

Conscient néanmoins des aprioris encore trop prégnants sur les métiers manuels et des difficultés qu’ont les entreprises à recruter : « beaucoup de jeunes ont encore cette image de travail ingrat et rude du fait d’activités le plus souvent en extérieur, pas au fait qu’en trente ans, les métiers ont beaucoup évolué et rendus moins pénibles. Moi je suis boulanger, il y a bien longtemps que l’on se réveille plus à 23 heures pour faire la pâte et bosser jusqu’au lendemain à 17 heures… ». 

 

« On fait tout pour devenir le meilleur des compagnons… »…

 

Encore apprenti, Rémi entamera son Tour de France en septembre prochain. Un « lapin » de 19 ans qui pour l’heure, enchaîne les démonstrations de son savoir-faire, finalisant devant les visiteurs la mosaïque ardoisée prévue revêtir une table basse.

Plébiscitant le travail en plein air, lui aussi s’est découvert très jeune une vocation, en l’occurrence le métier de couvreur. Un choix délibéré devenu très vite une passion pour ce jeune avallonnais, à la tête solidement implantée sur les épaules, et au verbe assuré : « on travaille beaucoup, on fait tout pour devenir le meilleur, mais sans se prendre pour le meilleur, c’est cela l’esprit des Compagnons… ».

Pas de difficultés particulières à mettre en pratique les préceptes enseignés : « il faut simplement avoir la rigueur et l’exigence du travail bien fait. C’est sans passion que tout devient compliqué...».

 

 

 

Un « travail d’adoption » avant d’entamer le fameux Tour de France…

 

Comme beaucoup d’autres avant lui, Rémi aura à réaliser de ses mains avant septembre prochain, un « travail d’adoption », sous forme d’une maquette qui sera validée ou non par les plus anciens de la communauté.

Précieux sésame destiné à lui ouvrir les portes du compagnonnage et le droit d’entamer son Tour de France, voyage initiatique sur plusieurs années, destiné à le perfectionner non seulement dans son métier, mais aussi culturellement et humainement. Ou comment permettre à chacun de s’accomplir, dans un esprit de partage et de transmission du savoir, véritables clés de voûte du système compagnonnique.

Un système où l’on apprend depuis des siècles à accorder la main avec l’esprit, perpétuant une dimension humaniste qui continue à faire les « belles personnes » de demain…

 

 

En savoir plus :

Adoption

Cérémonie marquant l’entrée « officielle » dans l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et qui ouvres les portes du Tour de France.

Aspirant
Jeune « adopté » par la communauté des Compagnons du Devoir, prêt à partir sur le Tour de France

Lapin
Terme utilisé pour désigner un apprenti.

Prévôté
Maison des Compagnons dispensant le gîte et le couvert, la formation et l’accompagnement pour les jeunes en formation. Également lieu de rencontres intergénérationnel, sa direction est assurée par le prévôt.

Réception
Cérémonie marquant le passage de l’état d’Aspirant à celui de Compagnon

Singe
Terme utilisé pour désigner un patron

Tour de France

Voyage permettant à un Aspirant ou un Compagnon itinérant, de se perfectionner professionnellement, culturellement et humainement, qui privilégie les rencontres et le « vivre ensemble ». Il s’effectue sur plusieurs années dont au moins une dans un pays non francophone.

A noter que sont exposés à Auxerre quelques « chefs-d’œuvre » réalisés par des Compagnons d’hier, parmi lesquels une très belle maquette de l’église Saint-Pierre de Chalon-sur-Saône.

 

Dominique BERNERD