Les larmes. Elles embuent les regards avant de couler sur les joues de beaucoup d’entre nous, en ce jour funeste de janvier. Au dehors, le ciel est à l’image de l’incommensurable tristesse qui nimbe les cœurs et les esprits de cette assistance nombreuse – plus d’un millier de personnes – venue accompagner pour son ultime voyage en la cathédrale Saint-Etienne à Auxerre, le président du Conseil départemental de l’Yonne, le regretté Patrick GENDRAUD. Parmi les témoignages dans la nef, on notera celui du premier vice-président de l’institution icaunaise, Grégory DORTE. Bouleversant…
AUXERRE : Ses feuilles noircies de lignes dans la main gauche, le maire de Pont-sur-Yonne quitte la chaise de la quatrième rangée formant le parterre réservé aux personnalités politiques et institutionnelles de notre territoire, pour gagner en quelques pas le pupitre, placé face au cercueil de bois clair. Recouverte d’une splendide composition florale, la bière où repose le Président Patrick GENDRAUD est illuminée par les trois grandes lumières de la chrétienté, des bougies aux flammes vives, symbolisant la dimension trinitaire représentée par le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Succédant derrière le micro au Père Joël et à Philippe, le frère du défunt, le premier vice-président du Conseil départemental Grégory DORTE s’accorde encore un peu de répit, avant de prendre la parole, longuement, rendant ainsi un ultime hommage à son président et ami, disparu il y a tout juste une semaine, dans la nuit du Nouvel An. Une nécessaire inspiration et quelques secondes de silence, avant de lire son texte devant une foule importante à l’écoute du moindre de ces mots que l’on imagine de réconfort.
« Nous avions tous envie de le suivre… »
Un exercice que l’élu de l’Yonne aura accompli en respectant les usages protocolaires, saluant au passage les présences de la ministre déléguée de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation, en charge de la Ruralité, Françoise GATEL – la représentante du gouvernement est assise aux côtés du préfet de l’Yonne Pascal JAN, vêtu de son uniforme de cérémonie -, et de l’ensemble des personnalités régionales et départementales réunies en ce lieu. On reconnaitra entre autres, le sénateur de Côte d’Or François PATRIAT, les anciens ministres Jean-Baptiste LEMOYNE (mais toujours sénateur) et Henri de RAINCOURT, les anciens députés Guillaume LARRIVE et André VILLIERS, les trois députés de l’Yonne Sophie-Laurence ROY, Daniel GRENON et Julien ODOUL, la présidente de la Région Marie-Guite DUFAY, etc. La sénatrice Dominique VERIEN, malade, était représentée par Kevin LEGENDRE-BONIFACE.
La voix forte, amplifiée par la sonorisation audible de l’édifice gothique, Grégory DORTE salua dès les premiers mots la mémoire de « son président bien aimé » que certains des élus du département connaissaient depuis plusieurs décennies. Et de citer les prénoms de ses collègues de l’institution départementale, à l’instar de Marie-Laure (CAPITAIN), d’André (VILLIERS), de François (BOUCHER), etc.
« Vous aviez envie de le suivre ! Il faut dire que Patrick ne laissait pas indifférent. Modéré, raffiné, cultivé, il était l’incarnation de l’honnête homme. Toujours naturel, simple et plein d’humour, il évoluait dans un monde politique parfois loin de ses pensées… ».
Puis, l’orateur continua en évoquant « cette silhouette que l’on retrouve chez certains grands hommes, cette silhouette à l’élégance chiraquienne, un clin d’œil à son mentor… ».
Laisser à chacune et à chacun sa liberté d’expression
Un peu blagueur, Patrick GENDRAUD possédait ce regard déterminé, « il scrutait dans chacun de nous, cherchant dans le fond de notre être le meilleur de nous… ».
Les valeurs humanistes du défunt furent ensuite rappelées par celui qui assure l’intérim de la responsabilité départementale depuis plusieurs mois. Attentif aux autres, Patrick GENDRAUD l’était dans l’exécution de ses mandats. Généreux et humble.
« Il n’en était pas moins un homme engagé, ajouta Grégory DORTE, au service de ce départemental rural. Il disait volontiers qu’il fallait juste un petit coup de main pour faire avancer les choses. Parfois, aussi, un coup de pied au derrière ! C’était sa façon de se construire et de progresser… ».
Homme de consensus, le président du Département était avant tout autre chose un fédérateur dans son approche de la fonction.
« Il laissait à chacune et à chacun sa liberté d’expression au sein de notre assemblée, et ce quel que soit son opinion. Nous faisons partie de la grande famille au service de l’Yonne, disait-il… ».
Sensible, l’élu trop disparu travaillait avec son cœur au service des autres. « En fin politique » qu’il était.
Puis, employant le « tu » dans la formulation, Grégory DORTE aura ses mots justes : « tu as été à la hauteur de l’œuvre, mon Président ! ».
« Tu as tout donné à l’Yonne, à ses communes, à ses habitants, à ses élus, à tes agents, avec ta grande bienveillance et ta volonté. Tu as fait le choix de passer des pactes dans les territoires, pour une meilleure offre de santé. Ensemble, nous avons servi l’attractivité de l’Yonne… ».
Un grand moment vécu ensemble : le passage de la flamme olympique
Une « attractivité » qui deviendra la boussole de Patrick GENDRAUD durant toutes ces années à la tête de notre territoire. L’intervenant citera ensuite quelques exemples concrets de ces réussites favorables à l’attractivité de l’Yonne : l’achèvement du contournement de Sens, le déploiement intégral de la fibre optique, la réalisation du contournement sud d’Auxerre, du foyer départemental de l’enfance, l’accélération tant espérée du Grand Site de Vézelay qui aura permis de renforcer la complémentarité entre les collectivités et l’Etat…
« A ce propos, souligne Grégory DORTE, les préfets Pascal JAN et Henri PREVOST savent parfaitement de quoi je parle… ».
Il est question à présent de « la foudre qui tombe ». Un blanc dans les propos lourds de signification avec un orateur qui peine à prononcer les mots.
Des sanglots dans la voix et éprouvé par l’émotion qui lui enserre la gorge, Grégory DORTE évoquera la maladie.
« Il t’aura fallu du courage, Président, et tu l’as démontré tous les jours. Protecteur envers tous, tu l’as été avec nous. Cela ne pouvait pas t’arriver à toi car tu avais encore de nombreux projets à réaliser pour l’Yonne. Nous avons été témoins de ta bravoure : tu t’es battu comme un lion… ».
Le voile de tristesse s’épaissit davantage parmi l’auditoire. Pesant et inexorable.
« Toi qui incarnais l’élégance de l’esprit et l’élégance politique, tu auras lutté jusqu’au bout dans le respect des autres… ».
La flamme olympique et son passage dans l’Yonne arrivent enfin. Un item qui va redonner de la ferveur dans les propos de Grégory DORTE.
« Tu sais, Président, il y a quelque chose qui me tient à cœur : c’est le passage de la flamme sur notre territoire ! Tu t’es battu pour l’avoir, cette flamme ! Ce fut un grand moment vécu ensemble à Chablis… ».
Féru de pétanque – il pratiquait cette discipline aux origines méridionales avec certains de ses collègues de l’hémicycle icaunais -, Patrick GENDRAUD n’en était pas moins un passionné de football. Surtout de l’AJ Auxerre !
Le premier vice-président eut ensuite quelques mots d’encouragement pour la famille de l’être cher (son totem), à son épouse, Marie-Hélène, ses deux filles et ses petits-enfants pour qui Patrick GENDRAUD était tout bonnement le « Papé ».
« Je suis certain que tu gardes le sourire, de là où tu es, sache que tu resteras toujours dans mon cœur… ». Avant de citer quelques phrases empruntées au répertoire d’André MALRAUX.
Peut-être que de là-haut, Patrick GENDRAUD aura apprécié la formule et ce vibrant hommage prononcé par l’édile de Pont-sur-Yonne à fleur d’émotion, un petit verre de chablis à la main et son sourire éclatant d’humaniste au grand cœur qui aimait tellement les gens…Espérons…
Thierry BRET