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Chasser les marginaux du cœur de ville contre des paniers gourmands, un indigeste challenge à digérer à Auxerre ?

« L’élu de l’opposition auxerroise, le divers gauche Rémi PROU-MELINE, a été destinataire de deux visuels montrant d’étranges inscriptions sur un tableau du bureau de la police municipale d’Auxerre. Il y est question d’un challenge dit des « marginaux » et d’une possible incitation à les déloger de devant le magasin Monoprix moyennant des paniers gourmands offerts en guise d’avantages en nature…Le parquet enquête ». « L’élu de l’opposition auxerroise, le divers gauche Rémi PROU-MELINE, a été destinataire de deux visuels montrant d’étranges inscriptions sur un tableau du bureau de la police municipale d’Auxerre. Il y est question d’un challenge dit des « marginaux » et d’une possible incitation à les déloger de devant le magasin Monoprix moyennant des paniers gourmands offerts en guise d’avantages en nature…Le parquet enquête ». Crédit Photo D.R.

Ce ne sont que quelques lignes rédigées à la va-vite sur un large tableau blanc, immaculé de toute autre inscription. Le vert clair du feutre fait ressortir bien distinctement chacun des mots. Dont les deux premiers, où il est question de « challenge » et de « marginaux ». Mais, aussi de « meringues », de « repas » et de « bon cadeau ». Avec un « M » majuscule, s’il vous plaît, pour mieux identifier ces personnes qui squattent les abords du magasin « MONOPRIX ». Un message lapidaire dans sa forme mais tellement curieux et décalé sur le fond qu’il fait désormais le tour des rédactions de l’Hexagone pour en comprendre la vraie signification…

 

AUXERRE Serait-ce une blague de potache, certes à l’humour un peu simpliste, douteux et sarcastique, faite à l’approche de Pâques et de la fameuse chasse aux œufs ? Juste avant de partir en week-end et de profiter des vacances ? Une manière épistolaire, plutôt tirée vers le bas de tuer le temps entre deux interventions vécues sur le terrain en chambrant quelque peu les camarades de promotion et leurs cibles potentiellement définies ? Ou mieux encore le moyen d’utiliser le lot de feutres neufs encore vierges de toute écriture qui sert à noter en règle générale des ordres de mission sur le grand tableau mural qui ornemente l’un des bureaux ?

Peut-être. Après tout, dans toute corporation, y compris celle de la police municipale où auraient été relevés ces écrits pour le moins surprenants révélés à la presse locale comme nationale, on peut aussi s’adonner à la sacro-sainte pratique de « joindre l’utile à l’agréable », de remplir ses missions en s’amusant un petit peu tout en se parodiant, voire de se moquer gentiment du contexte dans lequel on évolue au quotidien. Peut-être.

Ou peut-être pas. Alors, ces écrits qui semblaient si anodins en première lecture sur ce tableau apparaîtraient nettement plus malsains et sordides dans les faits, augurant de pratiques discriminatoires odieuses à la limite du cynisme, s’ils étaient avérés.

 

Des avantages en nature pour la police municipale si elle refoule les SDF ?

 

Rappelons ce qui a été jeté sur ce tableau qui accueille dans l’un de ses coins des coupures de presse et un emploi du temps. Les mots suivants, « Challenge Marginaux, si plus de marginaux devant Monoprix au 30 avril, chaque agent recevra un sachet de meringues maison, un repas cohésion offert (cohésion ?), un bon cadeau et enfin un coffret gourmand personnalisé ».

On se croirait revenu à la période de Noël, au moment de la remise des cadeaux d’entreprise qui sont adressés aux meilleurs des fournisseurs et partenaires de l’année. Voire des collaborateurs pour les récompenser de leurs implications commerciales.

Sauf là, dans le cadre qui nous intéresse, il s’agit de la police municipale d’Auxerre où ont été rédigés ces mots sur ce tableau, une filière professionnelle qui n’assure point d’activités commerciales sur le terrain. On est bien d’accord.

Auteur de deux courriers, l’un destiné au procureur de la République, l’autre au préfet de l’Yonne, l’élu de l’opposition Rémi PROU-MELINE, d’obédience divers gauche, a été le premier à révéler ce fait d’actualité qui « porte atteinte à la déontologie de la police municipale d’une façon générale et à celle d’Auxerre, en particulier ».

 

 

Destinataire de deux photos réalisées vraisemblablement dans les locaux de la police municipale de la capitale de l’Yonne, l’élu, indigné par ce qu’il venait de découvrir, n’a pu s’empêcher de garder cela pour lui.

« D’après ces documents, explique-t-il, les policiers municipaux sont incités à accomplir une mission discriminatoire à l’encontre des marginaux qui stationnent devant le magasin Monoprix sous forme d’un objectif à atteindre et donnant lieu à des avantages en nature… ».

Le jeune conseiller d’opposition s’interroge sur le bien-fondé de ces avantages en nature et leur légitimité. « Il semble que cette consigne contrevient à la fois à la loi, réprimant toute discrimination entre les citoyens de par leurs conditions sociales mais aussi au code de déontologie des agents de police municipaux (Code de Sécurité intérieur) ».

 

 

Le parquet d’Auxerre a décidé de mener l’enquête…

 

Autre pavé dans la mare, jeté en pâture par Rémi PROU-MELINE, qui est intervenu sur les antennes de TF1, dimanche dernier, le fait que l’on propose des paniers gourmands pour exercer une pression discriminatoire sur des personnes en difficulté et qui ne peuvent se nourrir correctement. Un peu à la manière de l’arroseur arrosé.

Certes, il est vrai que les sans-abris d’Auxerre aiment se retrouver depuis longtemps devant les portes de la surface commerçante de la rue du Temple. Parfois, ils échangent quelques mots avec les chalands qui pénètrent dans le magasin. Mais, le plus souvent, ils font détourner les clients un peu plus loin qui pénètrent dans l’enceinte du commerce par d’autres entrées.

D’autres de ces SDF sont aussi les auteurs de nuisances nocturnes qui perturbent les riverains, notamment dès la période estivale revenue. Ce secteur de la ville n’est par ailleurs pas le seul à connaître ce genre de situations parfois très complexes à gérer pour la police municipale.

Le parc Roscoff, sur la rive droite, est l’antre préféré de personnes s’adonnant à quelques trafics en tout genre, selon les commerçants de la place. Quant aux jeunes mamans, qui fréquentent le petit square face au palais de justice (un comble), elles n’osent parfois plus y emmener leurs bambins l’après-midi dans les bacs à sable de peur d’y retrouver des seringues. Ou d’y faire d’hasardeuses rencontres de personnes sous l’emprise d’alcool.

Depuis la réception du courrier envoyé à son intention par l’élu auxerrois, le parquet a décidé de faire toute la lumière sur cette affaire en menant une enquête approfondie auprès des services de la police municipale.

Si les faits se vérifiaient au fil des investigations à venir, on découvrirait alors quel est le pâtissier-confiseur de la place qui propose ses meringues faites maison à la police municipale auxerroise pour les aider à déloger les marginaux « affamés ». Ironique, non ?

 

Thierry BRET